Depuis plusieurs semaines, la bande annonce de « Bohemian Rhapsody », que je peux voir avant chaque séance de cinéma, me fiche la chair de poule. Née au début des années 70, un peu trop tard pour eux, j’ai connu Queen sur le tard, et sans doute comme beaucoup de gens de ma génération grâce au « Live Aid » de 1985. Peu m’importe alors que le film de Brian Singer soit démoli par les critiques presse (parce qu’il l’est sacrément !), je voulais le voir, je voulais en prendre plein les yeux et surtout plein les oreilles. « Bohemian Rhapsody » dure 2h20 mais on peut considérer qu’il dure en réalité 2h car les 20 dernières minutes sont à part, j’y reviendrai. En deux heures de film, donc, on suit le parcours chaotique, créatif et frénétique de Queen au travers du destin de son chanteur emblématique. Même si on ne s’ennuis pas, même si il y a quelques bonnes idées de réalisation, quelques très jolis plans, des enchainements originaux, le film souffre de quelques gros défauts de réalisation. Deux réalisateurs se sont succédés aux commandes du film (et 2 acteurs ont abandonnés en route le rôle de Freddy), c’est peut-être de ce côté-là que réside une des faiblesses de « Bohemian Rhapsody ». Voilà un biopic qui manque carrément de créativité, de souffle, pour traiter la vie de quelqu’un comme Mercury, c’est quand même un comble ! Plus académique, tu meurs… Un déroulé complètement chronologique, avec des dates en bas de l’écran au cas où tu aurais besoin de repères, pas de scène ultra fortes (à part les 20 dernières minutes), pas de flamboyance, pas de moments de grâce absolue. Il y a pas mal de notes d’humour, je le reconnais, quelques scènes un peu fortes émotionnellement (mais sans pathos) mais sinon, c’est sans aspérité, c’est propre, c’est… sage. Encore une fois, quand on a un sujet comme celui-là, on se lâche un peu derrière la caméra, histoire de lui rendre hommage avec le panache qu’il mérite. Le casting est assez impeccable, avec Ben Hardy, Mike Myers, Gwillym Lee ou encore Aidan Gillen (que les fans de « GOT » aiment bien revoir sur le grand écran) mais on ne va pas se raconter d’histoires, Remi Malek emporte tout sur son passage. Quand on l’a vu dans « Mr Robot », on a du mal à l’imaginer en Freddy Mercury et pourtant, quelle performance. Malek a compris vite, j’imagine, que quand on doit interpréter quelqu’un comme Mercury, on peut en faire des tonnes, surjouer, sur-surjouer, on sera toujours au dessous de la vérité ! Au contraire de la réalisation, lui a compris qu’il fallait y aller franchement et franchement : ça le fait grave ! Affublé d’une prothèse pour accentuer son menton (Freddy Mercury était né avec des incisives surnuméraires) qu’on trouve bizarre au début, puis à laquelle on s’habitue de plus en plus, il campe un Mercury toujours tiraillé entre ce qu’il est, ce qu’il incarne en public et ce qu’il voudrait être, un homme tourmenté qui n’arrive pas à se positionner face aux gens qu’il aime. Gay, sans jamais le revendiquer, mais sans jamais le cacher non plus, Freddy Mercury semble être né un peu trop tôt pour être accepté pour ce qu’il était : un homme complexe sur tous les plans, flamboyant, outrancier et génialement doué dans son job. Le scénario, à l’image de la réalisation, manque clairement de souffle et même d’audace. Les scènes d’enchainent comme un best-of de Queen enchaine les tubes : la création de « Bohemian Rhapsody », celle de « We Will rock you » ou celle de « Another bites the dust » ponctue le film.
Entre temps, le groupe prend de l’ampleur, Mercury se cherche, fait souffrir la femme qu’il aime, se trouve dans une certaine outrance, quitte le groupe pour une carrière solo lucrative, semble sous l’emprise d’un petit ami très toxique puis se réveille, remet les choses en place, se rabiboche avec tout le monde, y compris son père, et entre dans la légende la tête haute, enfin en paix avec lui-même.
C’est peut-être la réalité, c’est sans doute assez proche de la vérité de son histoire mais ça fait quand même très « cousu de fil blanc » : est ce vrai que les dons pour le Live Aid ont vraiment décollés grâce à la performance de Queen sur scène ? Brian May et Roger Taylor ont coproduit le film, ont-ils été tentés d’enjoliver un tout petit peu l’histoire de leur ami ? La drogue n’est évoqué que très anecdotiquement, l’homosexualité de Mercury ne leur a-t-elle vraiment posé aucun problème ? Sa maladie, en plein cœur des années 80, non plus ? On a envie d’y croire, mais la réalité est surement un peu plus nuancée que « Bohemian Rhapsody » ne le laisse entendre. Mais ces défauts, ces petits manquements, ces petites déceptions de cinéma ne résistent pas à deux choses : la performance de Remi Malek dont j’ai parlé, et les 20 dernières minutes du film. Reconstituée « in extenso », la performance de Queen, et surtout de Mercury au Live Aid de juillet 1985 est un pur moment de magie : 20 minutes de chair de poule quasiment sans discontinuer, 4 morceaux d’anthologie « Bohemian Rhapsody », « Radio Gaga », « Hammer to Fall » et « We are de Champions », un bouquet final à la hauteur de ce que fut Mercury, une légende, au même titre que Presley, que Michael Jackson ou David Bowie. La définition même du mot « charisme » se trouve dans ces 20 dernières minutes inoubliables. La réalisation a fait le choix de sous-titrer les chansons, au début on se dit que c’est une idée idiote mais finalement non, parce que les chansons de Queen sont très écrites et les textes bien plus profonds qu’on ne le croit. Queen, ce n’était pas juste du rock glam, des chansons de stade ou des pop songs, c’est tout ça ensemble et bien plus encore. Malgré tous ces défauts, « Bohemian Rhapsody » à une qualité énorme : ce film existe et Freddy Mercury méritait bien un hommage sur grand écran.