Un petit bijou d’intelligence, de sensibilité et surtout de construction cinématographique. Un film pensé et ressenti du premier au dernier plan, qui n’est pas sans rappeler le magnifique An Education, de Lone Scherfig. Film de femme, sur une très jeune femme (interprétée avec une justesse étonnante par Lola Créton, véritable révélation de charme et de talent conjugués), qui conte son initiation à l’amour et à la vie à travers le passage crucial d’un « amour de jeunesse », passionné et douloureux. Les personnages sont tous remarquablement saisis dans leurs dimensions psychologique et relationnelle, les acteurs sont dirigés de main de maître, les situations sont puissantes, sans rien de convenu ou de mièvre, l’histoire est simple, belle et forte. Mia Hansen-Løve, ex-actrice puis rédactrice des Cahiers du cinéma, est une réalisatrice de trente ans au talent extraordinairement prometteur qui signe là son troisième long métrage. Sa réalisation est un miracle d’équilibre, de grâce et de précision qui s’appuie sur la métaphore de l’architecture pour rendre compte de la construction de cette jeune vie par l’appréhension des espaces, espace de la maison, espace de la famille, espace de la ville, espace de l’existence humaine, si courte… La notion de temps qui passe est d’ailleurs rendue d’une façon très originale par des ellipses foudroyantes, jamais gratuites, qui évitent tous les temps morts pour se concentrer sur les moments clés de l’histoire. C’est également une réflexion sur le cinéma français, celui qui est catalogué de « bavard et bourgeois » par certaines critiques. Dans un des moments les plus jubilatoires du film, c’est le personnage du jeune amoureux (joué intentionnellement « à la Rohmer », par Sebastian Urzendowsky) qui vient régler son compte dans un renversement comique à ce cinéma-là, lui qui justement se pose au début en tenant de valeurs anti-sociales (il ne veut pas s’attacher à celle qu’il aime et part à l’aventure en Amérique du Sud) mais qui finit par réclamer (trop tard !) une vie à deux conventionnelle, à base de mariage et d’enfants… La fin, comme celle du film de Lone Scherfig, est un pur instant de respiration où la jeune Camille, libérée de cet amour pesant et devenue enfin une femme capable de vivre une relation sans contrainte, se fond dans la nature sauvage d’une rivière pour s’ouvrir à tous les avenirs possibles… Un vrai bonheur et une leçon de cinéma !