Ça commence, à une intro près, par le découpage en morceaux d'une jeune femme mignonne tombée en panne de bagnole la nuit, Juyeon: hard. Les recherches policières s'activent, donnant lieu à de superbes de prises vues nocturnes. Le petit ami, Kim Sooyeon, garde du corps et fils d'un ancien de la brigade criminelle, s'avère du genre coriace et, dès l'incinération familiale passée, il décide de passer à l'action. Je ne vois pas pourquoi il s'en prend aux trois premiers suspects (le premier se retrouve castré), alors qu'ils ne sont pas liés au meurtre en question. Bref, nous voici embarqués dans une opération de vengeance froide, sur fond d'incompétence de la police (une critique récurrente, décidément). Les scénaristes se sont bien amusés, en imaginant un tueur pervers à la guillotine. Là où c'est un poil gros, c'est cette histoire de traçage GPS par capsule interposée. On peut louer la qualité de la réa (mise en scène, photo, montage, en particulier les transitions, et bande son!) mais ça n'est pas non plus transcendant, la faute à une froideur d'ensemble manifestement recherchée - un aspect trop léché sans doute. Il est intéressant de réaliser que l'assassin parvient, malgré son âme perdue, à retrouver une sorte d'humanité (bien qu'immonde) à l'écran (on rencontre ses vieux parents et son fils, mutique mais ordinaire) ; du coup, il paraît peut-être moins insupportable de subir la vision de ses crimes. Quoi qu'il en soit, dès les premières séquences, on ne peut ni se mettre du côté ni du vengeur éploré (la projection ne fonctionne pas), ni du serial killer : on assiste donc au déroulement de l'histoire plutôt à distance, un aspect à la fois positif (nul pathos superficiel) et négatif (absence d'identification réellle). D'autant plus que l'histoire traîne en longueur, puisque Kim Sooyeon préfère laisser le violeur-assassin en cavale contrôlée (via capsule interposée) afin de poursuivre sa vengeance, qu'il souhaite "dix mille fois" pire que la souffrance subie. Dès lors, l'assassin fait moins peur. La scène de la serre paraît d'anthologie. Le fait que le vengeur laisse s'accomplir des menaces et un début de viol avant d'intervenir tel un maître d'art martiaux apporte au scénario un poids de facticité. En tous cas, Kim Jee-woon réussit à mettre mal à l'aise en deux temps, du côté du tueur (avec par ex. une scène de voyeurisme) et du côté du vengeur (du fait de ses tortures sadiques, avant soin et relâchage). La séquence de l'ami cannibale est présentée de manière écoeurante mais aussi triviale, sans tomber dans le cliché d'un Hannibal Lecter raffiné (quoiqu'écoutant du Bizet sur CD). Le fait que Kim S. téléphone oreille collée à son tél portable, MÊME en conduisant, est quand même super énervant, à l'heure des mises en garde répétées (même s'il joue les "héros" sans peur ni reproches). Le tueur obtient alors un nom, Kyungchul. La chasse se poursuit dans les entrailles d'une boucherie humaine mais ça ne fait pas aussi peur que dans Massacre, rien de ça: le vengeur arrive toujours -trop- à l'instant fatidique. La dernière partie, à partir de l'hôpital immaculé, n'échappe pas à certains écueils, à commencer par certains échanges cliché (Je sais qui tu es, je vais te montrer la véritable souffrance), une échappée en ellipse, et un côté grand-guignol avec ce "diable" qui se remet sur pied peu après avoir été quasiment massacré des pieds à la tête, littéralement. Jusqu'au bout, le violeur en série Yang Kyungchul narguera le vengeur Kim Sooyeon qui pensait parvenir à le voir évoluer, être pris de crainte voire se repentir. Que nenni: Kim Jee-won cherche à démontrer, via une issue fatale complètement nihiliste, que la vengeance n'a mené à rien, puisque chacun reste ce qu'il est, aussi dément ou aussi désemparé qu'au départ -un propos qui va à l'encontre le peine de mort mais un propos non forcé, qui fait la pari de l'intelligence du spectateur. Un peu longuet et spectaculaire au vu du résultat. On retiendra du film cette virtuosité de la mise en scène et du montage; sur le fond, ça reste limité et on doit subir quelques scènes horribles ; toutefois ça n'est pas un véritable film d'horreur mais un vrai thriller noir, psychologique et atroce. Si I Saw The Devil marque l'esprit, on peut lui reprocher sa dimension complaisante et grand-guignol.