Entre 1942 et 1985, Alberto Lattuada s’est construit une filmographie assez fournie et variée, entre drame néoréaliste, comédie à l’italienne, inspiration Nouvelle Vague, film-enquête, espionnage, érotisme… Il a réalisé de nombreuses adaptations littéraires avec une inclination notable pour les auteurs italiens (D’Annunzio, Le Crime de Giovanni Episcopo ; Machiavel, La Mandragore…) et russes (Pouchkine, La Tempête ; Tchekhov, La Steppe ; Boulgakov, Cœur de chien). L’adaptation du Manteau, une nouvelle de Gogol transposée dans l’Italie d’après-Seconde Guerre mondiale, complète cette liste. Le film est à l’image des goûts et explorations hétéroclites du cinéaste, puisque l’on y trouve des accents de comédie italienne, du réalisme chaplinesque, mais aussi de l’expressionnisme et du fantastique dans la dernière partie du film. Mélange plus ou moins heureux.
Le plus heureux, le plus intéressant, c’est le développement de la symbolique du manteau, marqueur social de l’inégalité entre les pauvres et les riches, et vecteur d’illusion pour le personnage principal. Le pauvre bougre rêve ingénument d’un nouveau manteau comme d’une nouvelle condition sociale et individuelle, qui instaurerait d’office la respectabilité et la virilité qui lui font défaut. Un nouveau manteau pour cacher une pauvreté humiliante et pour oser aborder la femme de ses rêves. Autant de fantasmes qui disent l’importance de la parure pour être digne, pour être un homme dans une société qui déshumanise ceux qui n’ont pas les moyens de “paraître” : une thématique qui n’est pas sans rappeler celle du Dernier des Hommes, de Murnau. Thématique qui nourrit ici à la fois une veine comique et une veine dramatique, de facture correcte et particulièrement bien servies par l’acteur principal, Renato Rascel, drôle et touchant.
Le moins heureux, le moins intéressant, c’est la caricature d’une bourgeoisie orgueilleuse et égoïste, incarnée par le personnage du maire (Giulio Stival, excessif et agaçant au possible), dont le repentir final apparaît bien plaqué et lourdement moral, dans un contexte fantastique qui dénote par rapport au reste du film (la scène du convoi funéraire, auparavant, était beaucoup plus forte). Autre impression défavorable sur l’ensemble du film : celle d’un scénario étoffé à partir d’un texte court et tiré en longueur. Résultat inégal, donc, mais pas sans intérêt.