Autant le dire tout de suite, le film est particulièrement éprouvant, émotionnellement et intellectuellement.
Nous sommes en 1960, dans un camp de rééducation, dans le désert de Gobi, en plein hiver. Les prisonniers habitent dans des sortes de caves creusées dans la terre, comme des rats. La famine et le froid glacial leur rendent la vie très diffcile.
Dès les premières minutes, on voit les cadavres s'entasser, et durant tout le film les morts vont se succéder à une cadence infernale, à tel point qu'à un moment un personnage dit à un autre, qui vient de découvrir un cadavre : "finis de manger, on s'en occupera après".
L'horreur est montrée sans ostentation particulière, mais la caméra froide et élégante de Wang Bing ne fait pas de cadeau non plus : un prisonnier vomit, son ami ramasse la nourriture pour la manger, un homme raconte qu'un autre à brûlé les poils d'un vêtement en mouton puis à fait griller la peau pour la manger, on entend qu'un cadavre a été retrouvé en partie dépecé au niveau des fesses et des mollets.
Dans des paysages d'une platitude irréelle, filmés magnifiquement, constituant une véritable prison à ciel ouvert, le film s'écoule avec la lenteur du plomb. Sorte de synthèse du cinéma de Bresson, des espaces américains de Ford et de souvenirs du goulag. Un vertige métaphysique peut saisir le spectateur à mi-film : où sont les gardiens ? Pourquoi ces gens là sont-ils là exactement ? Il marque les esprits probablement d'une façon indélébile (en tout cas le mien), avec ce style inimitable que les Chinois de la nouvelle génération (comme Jia Zhang Ke) savent donner à leurs films : la réalité y semble être inventée, alors que la fiction y a l'aspect d'un documentaire.
En bref, pas vraiment super rigolo, mais très puissant. Brrrr. D'autres critiques sur Christoblog : http://chris666.blogs.allocine.fr/