"Dimanche, c'était la fête du cinéma et mon papa a dit qu'il nous emmenait voir Pirates des Caraïbes. Moi j'étais très content. Mais quand on est arrivé au cinéma, le monsieur à la caisse a dit qu'il n'y avait plus de billets et qu'il pouvait seulement nous donner des places pour un autre film qui s'appelait Pater et qu'on savait pas ce que c'est. Maman a voulu savoir si c'était intéressant, mais mon papa a dit qu'il ne fallait pas faire attendre les gens derrière nous et qu'on verrait bien. Et il a acheté des places et on est entrés dans le cinéma.
J'ai essayé de m'intéresser, et puis après j'ai commencé à m'ennuyer et j'ai voulu partir. Mais Maman a dit qu'on avait payé les places, et que même si ça ne coûtait que trois euros avec la fête du cinéma, il ne fallait pas gâcher l'argent.
Alors j'ai recommencé à suivre l'histoire :
Un monsieur avec des cheveux blancs veut jouer avec un autre monsieur. Il dit qu'il serait le président de la République, et que l'autre serait premier ministre. Ils sont tout contents, et ils s'invitent tout le temps pour discuter et surtout manger des choses bizarres. Ils parlent un petit peu de la politique et nous racontent beaucoup leur histoire : comment ils se sont rencontrés, qu'il y en a un qui n'aime pas les ascenseurs et qui s'est fâché avec son propriétaire, et tout ça. Et celui qui est premier ministre a dit au président que sa cravate elle était moche et qu'il pouvait lui en prêter une. Que ça le dérangeait pas du tout, parc qu'il en avait plein d'autres. Et là c'était rigolo, parce qu'on est allés chez lui et il nous a montré son placard où il avait aussi des tas de chaussures. Il a rigolé, et il a dit qu'il ne jetait rien. Sans doute que sa maman aussi lui a dit de ne pas gaspiller. Mais ça prenait quand même beaucoup de place et heureusement qu'il a un grand placard.
Après, il y a d'autres messieurs avec des cravates et des cartables qui sont venus manger et discuter avec eux, et j'ai recommencé à m'ennuyer un petit peu. Mais pour changer, ils sont allés pique-niquer à la campagne. Pas un pique-nique normal, avec du saucisson et des chips : eux, ils ont emporté leurs boîtes de conserve avec des choses bizarres, et aussi des bouteilles de vin comme celle que mon papa débouche pour le réveillon de Noël. Et ils sont restés debout à côté de leur grosse voiture. Ils avaient l'air très contents ; pourtant, ils ne rigolaient pas vraiment, et ils ne jouaient à rien. Ils discutaient de choses qu'on ne comprend pas.
J'ai quand même bien compris le truc le plus important : ils veulent que les gens très riches gagnent moins beaucoup plus que les gens très pauvres.
Et ça, mon tonton me l'avait expliqué : ça s'appelle réduire la fourchette des salaires.
Mais eux, justement, ils avaient un sacré coup de fourchette. Alors s'ils gagnent trop moins beaucoup d'argent, j'ai peur qu'ils pourront plus manger tous ces trucs bizarres en buvant des coups et ils seront moins contents.
Voilà, et puis à un moment ça a été fini parce que tous les gens sont sortis.
Et comme j'avais pas gaspillé les trois euros, Maman elle m'a payé une glace."