Premières fois. « Martha, Marcy May, Marlene » marque en effet les débuts d’artistes, devant et derrière la caméra. Devant la jeune et époustouflante, Elizabeth Olsen, derrière Sean Durkin, pur réalisateur du cinéma indépendant US, émergeant à Sundance. Jusqu’ici, tout reste classique. Seulement le film de Durkin va bien au-delà des espérances habituelles et révèle un vrai talent. Nous rappelant presque, dans une autre génétique, le Shotgun Stories Jeff Nichols en 2007. Le tout étant plutôt de bonne augure.
Par la thématique principale de son film, les dommages collatéraux des sectes, le réalisateur ne choisit pas la facilité. Sujet pouvant facilement basculer dans l’outrance et les clichés. A l’inverse, il réussit à démontrer l’impact, plus interne qu’externe, que ce genre de manipulations peut imputer à l’être humain. Ancrée dans une ruralité hippie tendance folk, la communauté (secte) décrite par Sean Durkin s’inscrit avec propos dans une démonstration plus que dénonciation.
Exemple même, l’utilisation du flashback avec un certain savoir faire, Martha, Marcy May, Marlene, est la parfaite démonstration de ce qu’on peut faire quand on sait répéter cet exercice de style. Jamais redondant dans l’effet, toujours utile et intégrant fond et forme.
Durkin, n’aime pas la facilité, il utilise chaque flashback par un pont de mise en scène entre un raccord des évènements passés et présents. Outre lui offrir une fluidité de mise en scène cela lui permet d’inscrire le fond qu’il tend à d’écrire ; montrer comment, même après « le départ », la secte garde dans un même parallèle, un impact dans le présent.
Réalité, souvenirs et imagination sont alors confondus dans un même espace temporel, ce qui appuie et désigne avec subtilité la démonstration que le réalisateur tente d’apporter aux dommages que les sectes peuvent engendrer. Ce simple effet, souligne comment Durkin sait donner du sens et une lecture juste à son cinéma. Entre subtilité et savoir faire.
Le tout est baigné d’une lumière très naturaliste, tout en flirtant avec ce qu’un certain cinéma indépendant d’une bonne vingtaine d’années pouvait faire. A ce titre le jeune Jody Lee Lipes montre un savoir faire indéniable et participe à l’ambiance si marquée du film. Les intérieurs tout comme les extérieurs sont dans une esthétique laiteuse et très naturaliste. L’ensemble donnant un relief de chaque instant à tous les personnages du film, tant leurs mouvements se veulent découpés et se dégagent de cette photo au grain prononcé et magnifique.
Ainsi la performance de la toute jeune Elizabeth Olsen (sœur de(s)…) ne peut être que magnifiée. La comédienne pour son premier vrai rôle, emporte tout avec elle, jusqu’à son malaise qu’elle arrive en crescendo à faire ressentir au spectateur. Physique et charme non conventionnels dans la caste hollywoodienne, Olsen s’avère presque être un choix évident. Comédienne naissante, surprenante de maîtrise et d’implication sans tomber dans l’excès de jeu. Elle porte à elle seule avec justesse ce que le réalisateur tend à démontrer, comment un acte psychologique violent fait effet avec la plus grande douceur et sournoiserie. Sean Durkin le filme ainsi, Elizabeth Olsen le porte de la même manière en y apportant l’onde particulière que son personnage demande.
On peut parfois ressentir de la redite dans les termes de « révélations du cinéma indépendant américain » mais Sean Durkin réalise ici un travail d’auteur imparable, autant par son scénario, violent, abrupt et en totale rupture de sa mise en scène, douce, fluide et subtile par sa forme. Comme fil conducteur de l’ensemble et symbole de liberté désirée, Elizabeth Olsen, découverte et comédienne à l’aura naturelle et hypnotisant. Petit budget, grand film.
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