C'est une petite claque que m'a donné ici Sean Durkin avec ce Martha Marcy May Marlene. Le film réunit un peu tout ce que j'apprécie : un cinéma lent et posé, centré autour de très peu de personnages. Ici, en l'occurrence, tout le film est focalisé sur le personnage de Elizabeth Olsen qui sublime chaque plan par son interprétation. Le film ne plaira pas à tout le monde à cause de sa lenteur (le film étant particulièrement psychologique avant tout) mais il traite d'un sujet très original et il le fait à la perfection. Martha est une jeune femme qui vient de s'enfuir d'une communauté sectaire et malsaine, elle se réfugie chez sa soeur et son beau-frère après ne pas avoir donné de nouvelles pendant 2 ans. Le film est alors basé sur son ressenti, sa souffrance intérieure (qu'elle garde pour elle), la peur des représailles, l'angoisse d'être retrouvée et la paranoïa. Mais également sur sa personnalité et ses agissements qui, après qu'elle ait vécu en marge de la société, ne sont plus conformes aux règles de vie en communauté. Elle est paumée, elle a perdu ses repères et se trouve être incapable de distinguer ce qui est normal de ce qui ne l'est pas. En plus d'être perdue et effrayée, elle est incapable de parler de son histoire à quiconque, ne parvient plus à accorder sa confiance et reste donc inévitablement cloîtrée avec sa souffrance. Martha Marcy May Marlene est donc un fabuleux récit décrivant l'enfer psychologique vécu par cette jeune femme, et ça touche, ça marque. Tout est fait avec une grande sensibilité, une belle retenue. Toute cette impressionnante subtilité n'aurait pas été possible sans Elizabeth Olsen qui illumine chaque plan de son talent. L'actrice est une énorme découverte, ceci étant plus ou moins sa première apparition à l'écran, et on a l'impression que ce don d'actrice est inné. Dès les premières minutes du film, lorsqu'elle est, terrifiée et sonnée, au téléphone avec sa soeur, je me suis dit "ah ouais ok, elle, elle sait jouer". Son interprétation est extrêmement juste, jamais exagérée ni improbable, on a l'impression qu'elle habite totalement son personnage et j'ai trouvé ça impressionnant. Son jeu fascine autant que son personnage, qu'elle rend crédible sur toute la longueur du film. Le personnage est vraiment traité avec grande profondeur à travers des flashbacks omniprésents. Le montage du film approche également la perfection. La construction est superbe, le film alternant les scènes au présent avec des flashbacks qui nous en apprennent plus sur le vécu de Martha. En fait, on a affaire à deux jolis huis-clos, liés par la psychologie du personnage principal, et entremêlés visuellement pour donner un film extrêmement bien foutu. C'est sans parler des transitions entre les séquences, qui sont (à chaque fois !) très fluides et particulièrement brillantes. Les deux histoires se recollent à la perfection grâce à ces transitions et on a presque l'impression que le film est chronologiquement linéaire, ce qui donne un effet très troublant. Sean Durkin s'amuse souvent à nous perdre : la plupart du temps, lorsqu'une nouvelle séquence démarre, il faut quelques secondes au spectateur pour déterminer si la scène est un flashback ou pas. C'est fait de façon habile et ça permet en quelques sortes de s'identifier au personnage et aux méandres complexes de ses pensées. Au niveau réalisation, là encore j'ai été conquis. La lenteur des plans fixes est une délice à regarder. La beauté des images est accentuée par une photographie douce et subtile, très soignée, avec des couleurs harmonieuses et une ambiance tamisée très prenante. Le film est agrémenté de quelques moments angoissants (même très angoissants), où le spectateur se retrouve quasiment dans la tête de Martha, partageant ses craintes et sa paranoïa, comme le moment où elle entend une voiture se garer ou qu'elle entend des glands tomber sur le toit qui lui rappellent les escapades qu'elle a pu avoir par le passé. Aux scènes touchantes du présent se confrontent des scènes effrayantes dans les flashbacks, où on peut suivre l'évolution terrifiante de Martha au sein de la secte, jusqu'à atteindre son paroxysme. Qui plus est, la BO du film est très discrète mais intensément exquise. Pour conclure, j'ai été ébloui par ce film, que ce soient le thème (original), la construction (habile), la photographie (poétique) ou l'interprétation (magnifique) d'Elizabeth Olsen. Un petit chef d'oeuvre de lenteur et de beauté.