The Bay est un film que je n’attendais pas sous ce procédé, style docu-fiction tourné caméra à l’épaule, avec des faces caméras. Au final on tient là un métrage intelligent, mais très dépouillé, ce qui est finalement le problème. C’est comme les documentaires d’Arte, c’est intelligent mais souvent minimaliste pour le reste.
Le casting s’appuie surtout sur une actrice principale efficace, bien que forcément pas très exploitée. Le style du film la contraint principalement à parler face caméra, et du coup on ne peut pas dire qu’elle puisse vraiment exprimer un talent que l’on sent réel. D’ailleurs j’ai trouvé que le film ne faisait pas une grande place à ses acteurs. Il y a beaucoup de protagonistes, du coup ils sont toujours très secondaires, ce que l’on voit reste du coup plutôt distant, car on a une succession d’anonymes à qui il arrive des problèmes, et cela induit une dimension neutre et objective qui rend le métrage trop imperméable. C’est dommage que Levinson ne nous introduise pas davantage dans cette communauté, et ne s’attache pas à deux ou trois personnages principaux pour qu’un peu plus de lien se crée.
Le scénario est intelligent. Le film développe des théories intéressantes et quoique fantasques s’appuient sur des bases réelles. De fait The Bay gagne une réelle crédibilité qui le sert indéniablement dans le genre. Après il y a des lacunes inhérentes au choix de Levinson. Le film est assez lent, malgré une courte durée de moins de 1 heure 20 hors générique. Il tient surement cela d’une certaine répétitivité qui nous amène à voir une succession de cas humains et de poissons morts passé 20 minutes. Il y a en effet un manque de tension, un manque de suspens, qui vient du côté « exposé » qui fait la nature du métrage. C’est clairement trop démonstratif, et Levinson oublie un peu en route qu’il ne fait pas un documentaire, mais un film de genre, à mon avis censé offrir un minimum de divertissement en salle obscure. Quand on se veut audacieux, il ne faut pas non plus oublier les bases, ou alors annoncer clairement la couleur.
La réalisation est signée d’un Levinson qui change donc de ton ici par rapport à ses autres films. Sa mise en scène est originale quoiqu’elle ne plaira pas à tout le monde, et bien qu’elle ne remplisse pas pleinement le contrat. Comme je l’ai dit elle a des limites inhérentes auxquelles Levinson a du mal à se soustraire. Reste qu’il y a des scènes fortes qu’il distille heureusement bien, ayant je dirai le sens de l’image buzz surprise malgré elle. C’est surtout le cas dans la dernière partie, où la caméra tombe souvent inopinément sur quelques petites choses gratinées ! Sinon la photographie et les décors restent sur des bases normales. Je ne peux pas dire grand-chose de plus, car il n’y a rien de très surprenant. Forcément là aussi en s’orientant sur un réalisme pur et dur, il ne faut pas s’attendre à une ambiance vraiment pesante, mais c’est un choix respectable. Sinon peu d’effets horrifiques. J’avais lu qu’il fallait s’accrocher, mais comme je m’en douté pour un film sortie en salle il n’y a rien de très virulent. L’amateur du genre en tout cas ne sera pas surpris, mais il y a quelques passages plus hard en effet pour les non-initiés (des trucs style Alien, une ou deux amputations, des pustules style Planet Terror). C’est assez subreptice quand même. Quant à la musique, parti pris oblige, elle est d’une grande discrétion.
Alors que dire de The Bay ? Que ce n’est pas un mauvais film, c’est certain, mais qui se pénalise dans ses choix. Levinson tient un excellent sujet, de bons acteurs, lui-même est un réalisateur capable, et il s’englue volontairement dans un minimalisme qui ne permet pas à tous ces bons atouts de s’exprimer pleinement. Du coup la frustration est là, et autant pour un métrage à tout petit budget, avec un réalisateur peu connu et des acteurs approximatifs le principe se justifie, autant là avec un tel potentiel, c’est dommage de nous servir un petit film trop démonstratif. 2.5