"Par les producteurs de Paranormal activity"...une sentence qui a elle seule suscite méfiance voire condescendance envers tout un pan de cinéma plus guidé par des impératifs commerciaux ( l'application d'une formule low-cost systématique ) que par un quelconque interêt artistique. En effet, la mode du found footage ( initiée par le Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato en 1980, puis par le projet Blair Witch en 1999 ) est une aubaine pour les producteurs qui souhaitent adopter la politique du moindre coût ( équipe réduite, matériel accessible ) tout en garantissant, au minima, un retour sur investissement. A titre d'exemple, les recettes mondiales de Paranormal Activity s'élèvent à 193 355 800 dollars, pour des frais de production avoisinant la modique somme de....13 500 dollars.
Une rentabilité à toute épreuve rapidement exploitée par bon nombres de producteurs qui feront de ces films un genre à part, déclinant la recette au cinéma horrifique ( Atrocious, Rec, Le dernier exorcisme, Diary of the dead, Grave encounters, The Troll Hunter... ) à la Science-fiction catastrophe ( Cloverfield ), au film de super-héros ( Chronicle ), au reportage de guerre ( Redacted ) ou même à la comédie américaine ( Projet X ).
Difficile d'imaginer, dès lors, ce qu'un réalisateur aussi académique que Barry Levinson ( Rainman, Sleepers, Good Morning England...) daigne trouver dans ce format artificiel par substance, où peu de réalisateurs ont su justifier l'emploi de la caméra subjective et la volonté des protagonistes de continuer à filmer coûte que coûte.
De ce point de vue là, Barry Levinson s'en sort honnêtement, grâce à la multiplicité des sources d'images employée ( Visiophones, caméra de surveillance, caméscope, webcam, flash infos...) qui permet, grâce à une narration fluide et un montage cut, une immersion réaliste et efficace, tout en évitant les poncifs du genre. Un bol d'air frais dans l'univers stéréotypé et sans surprise du found footage.
Côté fond, le cinéaste a la bonne idée de confronter l'artificialité du principe ( la recherche d'une pseudo-vérité filmique du faux documentaire en caméra subjective ) à un scénario qui prend ses racines dans un fait divers historique bien réel, celui de la baie de Chesapeake, déclaré "Marine dead zone" dans les années 1970 à cause d'une hypoxie empêchant le développement d'une quelconque forme de vie sous marine. Une habile manière de retourner le procédé contre lui, et de théoriser sur le rapport à l'image, qui n'a jamais autant caractérisé une société qui n'en finit plus d'être traversée par son flux incessant.
Au final, The Bay reste un "petit" film, mais une habile réussite ( surtout quand on jauge l'indigeste concurrence ), flirtant entre le pamphlet écolo, le film catastrophe et l'épouvante avec une certaine adresse.