Le Garçon et le Héron, d’Hayao Miyazaki
Version courte : Je me suis toujours demandé ce que ça faisait de boire 3 bouteilles de saké cul-sec. Maintenant je sais.
Version longue : Le maître de l’animation Japonaise Hayao Miyazaki signe ici son 12ème long métrage à l’aube de ses 82 ans. Dirigeant d’une main de fer dans un gant de fer son studio Ghibli, il est l’auteur de nombreux films qui ont rencontré un succès international grâce à un univers riche et coloré teinté de poésie onirique.
Princesse Mononoké (1997), Le voyage de Chihiro (2001), Le château Ambulant (2004)… ont tous été des succès internationaux incontestables.
Le Garçon et le Héron reprend les thèmes chers à l’auteur : un personnage introverti, isolé du monde turbulent et qui observe celui-ci de façon détachée et s’en extrait par une aventure fantastique inattendue. Miyazaki, comme à son habitude, nous propose de découvrir l’histoire de son personnage dans un Japon en partie fantasmé, reflet d’un héritage historique, où les modes de vie traditionnels, une éthique pacifiste, des liens familiaux et des personnages forts sont confrontés à une nature puissante et foisonnante. C’est sans doute, cette simplicité, ce retour à des relations humaines où les qualités morales sont mises en avant et sincères, ainsi que les éléments fantastiques poétiques qui expliquent le succès de ses films. Une parenthèse enchantée dans un monde impersonnel ou tout semble toujours aller très vite.
Cette dernière production reprend donc les codes écrits par le maître avec une certaine justesse qui nous prédispose à plonger avec délectation dans cet univers coloré et par certains côtés inquiétant. Si tous les codes sont respectés, il ressort que le film va lentement glisser vers un univers onirique qui ne sera pas sans rappeler celui de Lewis Carroll avec son Alice aux Pays des Merveilles. Certains personnages et situations du conte précédemment cité feront écho aux plus imaginatifs d’entre vous.
Mais là ou le récit de Lewis Carroll nous offrait avec brio une lecture linéaire de la trame, il est hélas à déplorer que Le garçon et le Héron nous perd assez rapidement dans un enchaînement de séquences dont la logique, ou du moins la cohérence, font défaut.
Ce sentiment de confusion continuera après l’arrivée assez abrupte du générique, à la sortie de la salle alors que vous discuterez du film avec votre compagnon d’infortune qui se sera endormi durant la séance.
Afin d’avoir quelques éléments de compréhension du film il est nécessaire de s’attarder sur la vie même de l’auteur. En effet, de nombreuses séquences et personnages
semblent être liés à ce que Miyazaki aura vécu durant ses années de création : la notion d’isolement pour réaliser une oeuvre, la question de la succession pour faire perdurer l’univers créé durant des années autour des différents films, la concurrence de nombreux artistes souhaitant se faire un nom, les relations entre l’auteur et le responsable du studio Ghibli, la dénonciation du capitalisme à outrance…
Autant de clés qu’il faudra déceler en seconde lecture et qui se basent donc sur un film « testament » autobiographique dissimulé derrière des séquences et des éléments symboliques ou métaphoriques.
Un indice pour faciliter votre lecture :
nombre de ces "éléments" volent en bande et ont la capacité de déféquer avec précision dans les airs.
Une capacité dont l'être humain est dépourvu bien heureusement.
Dans le film,
l’univers du grand-oncle se meure et peine à trouver un successeur.
Hayao Miyazaki atteignant 82 ans, cette métaphore devient de plus en plus évidente. Hélas sans ces clés, le récit peut sembler confus et c’est sans doute pour cela que l’auteur nous prévient en préambule : « Ceux qui cherchent à comprendre périront ».
En effet.