Chronicle est un film surprenant et osé. Plus film de super-antihéros que l'inverse (ici, pas de costumes, pas de justicier, pas de mission quelconque, uniquement des super-pouvoirs étranges et impressionnants, pourtant jamais glorifiés), le film raconte l'histoire de trois jeunes étudiants qui se voient devenir étrangement possesseurs d'une force impressionnante et de pouvoirs étranges, dont la capacité de voler ou encore la télékinésie. Tout en surfant sur la vague des found-footages qui ont envahi la planète Cinéma ces dernières années - en partie à cause de Paranormal Activity et son désolant succès -, Josh Trank parvient pourtant, grâce à des idées assez ingénieuses, à offrir une mise en scène studieusement appliquée, donnant un vrai sens artistique à son film, chose peu commune dans ce genre cinématographique où les zooms incessants et autres tremblements abusifs viennent souvent parasiter la lisibilité du long-métrage en question. Revendiquant à la fois ses influences à certains films tournés façon documentaire (non, Cloverfield, tu n'es pas encore tombé dans l'oubli) tout en apportant un nouveau souffle à ce style casse-gueule, le réalisateur, dramaturge pour l'occasion, parvient avec habileté à pousser ses personnages centraux au vice, offrant un film de plus en plus noir au fil des minutes, où la banane que l'on pouvait avoir au début se transforme en visage crispé lorsqu'on s'aperçoit que tout peut déraper d'un instant à l'autre. Et même si on regrettera l'absence totale d'émotion durant une bonne heure (malgré des sujets traités comme la maladie d'une mère et le comportement violent d'un père) ainsi qu'une narration difficile à suivre, où chaque cut semble s'enchaîner l'un après l'autre sans véritablement épauler l'histoire qui se doit pourtant d'avancer, avec en plus un peu de grand-guignol et une subtilité au ras des pâquerettes, force est de constater que le brouillard de réalisme venant recouvrir le film s'avère assez impressionnant, sans oublier des effets-spéciaux saisissants (les envolées et balades dans les airs, plus vraies que nature) ainsi qu'un carnage final incroyable, aussi bien jouissif que terrifiant. Ambitieux et plutôt convaincant dans son ensemble, Chronicle réussit donc l'exploit de donner l'impression d'un film tourné avec trois fois rien et qui, pourtant, de par sa panoplie de grandiose et d'épique, ferait presque de l'ombre à certains grands blockbusters contemporains. Étonnant.
"Les super-pouvoirs, c'est mal" semble nous dire Josh Trank. Et après un résultat final qu'il ne peut clairement pas bouder, on peut se dire qu'en effet, avec beaucoup d'insouciance, d'inconscience et de volonté d'exploitation obsessionnelle, n'importe quelles compétences surnaturelles ferait rapidement perdre la boule au commun des mortels, surtout avec une fragilité psychologique en plus. Si le film était pourtant à prendre avec quelques pincettes, on reste suffisamment charmé par cette (més)aventure peu commune et très divertissante, portée par un petit casting satisfaisant, notamment le jeune Dane DeHaan, assurément prometteur.