Décidément, Terry Gilliam est un cinéaste à part, comme sa filmographie peut en témoigner ; et ce n’est pas en adaptant au cinéma le roman de Hunter S. Thompson, j’ai nommé l’ovni Las Vegas Parano, que celui-ci risquait alors de déroger à sa règle. Entendons donc par-là que ce long-métrage, qui s’apparente à une gigantesque hallucination sous acides, est… totalement barré ; et ceci est un euphémisme. En effet, le récit s’arquant autour des délires déjantés de deux barges drogués comme on en a rarement vu, l’imagination infiniment fertile et loufoque de Gilliam trouvait alors chaussure à son pied ; il va donc sans dire que les visions profondément chaotiques et irréelles de Raoul Duke et Dr. Gonzo sont visuellement on ne peut plus convaincante, et délirante de surcroit. Ceci capte d’ailleurs notre attention très rapidement (dès l’introduction de Las Vegas Parano en fait), l’entrée en scène des deux compères au rythme d’une narration étrangement captivante (de Raoul Duke, protagoniste central de ce foutoir psychédélique) annonçant derechef la couleur. Et outre une BO parfaitement dans le ton décalé du film, il faut à présent saluer les prestations du duo Johnny Depp / Benicio Del Toro, toutes deux étant tout bonnement excellentes : ceux-ci ont en effet le mérite de retranscrire de façon convaincante l’état… particulièrement altéré (dirons-nous) de leur rôle respectif. Et dans un même ordre d’idée, il ne serait ainsi pas exagéré de qualifier l’interprétation de Depp de génialissime, peut-être l’une de ses plus mémorables à l’heure d’aujourd’hui. Un joyeux tableau en perspective donc , toutefois la réalisation atypiquement savoureuse de Gilliam ne peut masquer les faiblesses inhérentes à un scénario… plus ou moins inexistant. Bon, certes ceci n’est pas pour autant dérangeant vu la forme et le contenu arboré par Las Vegas Parano, mais reste que celui-ci est très léger de ce côté-ci, et tient dès lors plus d’un divertissement avant tout original et humoristique que d’un film aux tenants et aboutissants correctement travaillés. Pour finir sur ce point, on peut tout de même souligner la réflexion (quelque peu alambiquée à suivre) autour des sixties et de l’année où évolue le récit (1971) qui étoffe dans une moindre mesure ce-même scénario ; rien de transcendant en somme, mais le long-métrage véhicule malgré tout un propos, malheureusement (ou non) noyé dans les innombrables délires de Raoul Duke. En résumé Las Vegas Parano est culte au possible, c’est à ne pas en douter, même si j’aurai tendance à qualifier son succès de générationnel ; mais bon, les interprétations survoltées de Depp et Del Toro valent à elles seules le coup d’œil, à voir donc !