C’est tout bonnement un chef d’œuvre, si la démence devait être un film ce serait celui ci. Chaque scène est hilarante, il n’y a aucun répit, d’ailleurs le début avec Tobey Maguire annonce déjà la couleur de cette réalisation plus que déjantée « Attend, on peut pas s’arrêter ici, c’est le pays des chauves souris », « C’est rien c’est juste qu’il admire la forme de ton crâne ». Évidemment ça ne s’arrête pas là car chacune des phrases de ce film est culte « T'as raison vieux, te laisse pas enfler par ces enflures », « Le chien a baisé le pape mais c'est pas ma faute », ou encore « Oh regarde ! Y a deux bonnes femmes qui baisent un ours polaire », et j’en passe. Cette adaptation du roman écrit pas le célèbre écrivain Hunter. S Thompson compte le périple d’un journaliste au nom de Raoul Duke, son alter ego, et de son avocat Dr.Gonzo, deux personnages follement drôles mais surtout drôlement fous. Voulant fuir « les réalités brutales » des années 70 et rêvant du retour de la libération que furent les sixties, ils profitent d’un événement à Las Vegas pour se faire un séjour de débauche et d’excès rythmé par la consommation de toutes les drogues possibles et inimaginables et d’une quantité monstrueuse d’alcool pour ainsi dire vivre à fond le rêve américain, ou en d’autres termes faire du pure journalisme Gonzo. Entre parano, hallucination et bad trip ces deux énergumènes retournent Las Vegas et c’est tout simplement à mourir de rire. Cette façon si singulière et démentielle de filmer c’est juste du génie, grâce à tous ces plans subjectifs on a l’impression d’être sous LSD pendant deux heures est c’est une réelle expérience cinématographique, au reflet de la folie de Terry Giliam qui a su lui même retranscrire avec excellence l’univers de Hunter. S Thompson, et c’est un bel hommage à ce dernier. Mais ce film n’est pas uniquement drôle, en effet la superposition de la douce voix et des belles paroles de Johnny Depp sur ces folles images aux couleurs chaudes rendent le film étonnement, et surtout excentriquement poétique, une poésie qui émane de toute cette dépravation. Ce film chérit le mouvement hippie, peace love and rock'n roll, et lui rend un hommage artistique avec des musiques incroyables telles que « Mama told me not to come » des Three Dog Night, « Combination Of The Two » des Big Brothers & Holding Company, « Somebody To Love » des Jefferson Airplane , « Expecting To Fly » des Buffalo Springfield, « Jumpin’ Jack Flash » des Rolling Stones ou encore « Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again » de Bob Dylan. Des chansons exhalant la gaieté, la joie de vivre et la légèreté à l’image des années 60 qui vont nous submerger d'un sentiment de bonheur, de suffisance et de bien être. C’est vraiment un duo exceptionnel et culte que forment ces deux là, Johnny Depp et Benicio del Toro sont extraordinaires avec d’un côté un bizarroïde attachant à la démarche iconique et au look original, puis de l’autre un violent détraqué intelligemment décrit à la fin du film « Il était le dernier d’une espèce : trop bizarre pour vivre mais trop rare pour mourir ». Johnny Depp a beaucoup travaillé sur ce personnage jusqu’à aller habiter avec Thompson pour finalement nous offrir une performance mémorable et un film unique. Je finirai par l'énonciation des profondes paroles de Duke bourrées de nostalgie, des mots qui ont le pouvoir de parler à tous sans forcément les avoir vécu. Et c’est ici la force de ce film, le voyage vers une époque pas si lointaine mais pourtant si différente, l’époque d’une jeunesse pour les uns et d’un temps inconnu pour les autres, regrettable ou non... Ce film a quelque chose de spécial, il m’inspire une certaine mélancolie que je n’arrive pas à expliquer, je l’adore. « Être à San Francisco dans les sixties, signifiait vivre à une époque et dans un lieu bien particulier. Mais aucune explication, aucun mélange de mots ou de musiques ne peut restituer ce que c’était d’être et de vivre dans ce coin du temps et de l’espace, quoi que ça ait pu vouloir dire. Il y avait de la folie dans tous les sens, à toute heure, on pouvait allumer des étincelles partout. Il y avait ce sentiment extraordinaire que quoi que nous fassions c’était juste que nous étions en train de gagner, et ça, je crois, c’était la force qui nous poussait. Cette sensation de victoire inévitable sur les forces du vieillissement et du mal, pas au sens militaire du mot victoire, on en avait pas besoin, notre énergie déborderait par dessus tout. Nous avions un élan formidable, nous surfions sur la crête d’une vague très haute et très belle. Alors maintenant, moins de 5ans après, vous pouvez aller au sommet d’une colline escarpée de Las Vegas et regarder vers l’ouest, et si vous avez le regard qu’il faut vous pouvez voir la ligne de partage des eaux et de la terre, l’endroit où la vague a finit par déferler et opérer son reflux ».