Journaliste aux tendences anarchistes et auteur de plusieurs chefs d'oeuvres littéraires poignants comme "Hell's Angels" et "The Rum Diary", Hunter S. Thompson a radicalement changé la face du monde journalistique en popularisant le "journalisme gonzo", méthode consistant à rédiger des articles selon son point de vue unique, se focalisant sur une certaine subjectivité.
Et qui d'autre que Terry Gilliam, réalisateur des splendides "Brazil" et autres "Armée des Douze singes", pouvait adapter avec succès sur grand écran le roman "Fear and Loathing in Las Vegas" de l'auteur?
Gilliam embarque le spectateur, accompagné de Johnny Depp et de Benicio Del Toro, pour un périple sous acides, alcool et autres drogues dans la cité du vice, Las Vegas. A l'image de "Brazil" qui était composé de deux niveau de lecture "appuyés", à savoir la partie onirique et la partie "réelle", "Las Vegas Parano" s'affirme de la même manière. Dans un premier temps, l'histoire suis le cours des conneries psychédéliques des deux personnages principaux et de leur fulgurante capacité à semer la zizanie dans les casinos, hotels, etc... Il s'agit du premier niveau de lecture, une comédie décapante sur le quotidien atypique d'un journaliste et de son avocat. Et là, Gilliam réussi pleinement son coup, l'humour fonctionnant à merveille. Cependant, le côté divertissement du long-métrage, même si il distrait avec une rare qualité, est la moins intéressante. Non, car "Las Vegas Parano" traite avant tout du traumatisme américain durant la guerre du Vietnam, période des années "peace and love" et des bombes de napalm décimant êtres humains sur êtres humains, et c'est en réalité le portrait de deux personnes ayant un mal en eux, une certaine dépression comme le clame Benicio Del Toro après que son personnage ait usé de substances illicites, deux personnes perdues dans cet "enfer" qu'est leur vie. La maxime ouvrant le film démontre bien cette façon d'être: "Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d'être un Homme". Le fait d'être bourré, shooté, hors du monde, est une façon d'éradiquer cette douleur en se comportant comme la bête citée. En suivant cette façon de penser, le film de Gilliam prend tout son sens et là ou il ne pourrait présenter que deux junkies qui usent de drogues obtient une dimension à haute portée philosophique et angoissante. Dans ce cas, la métaphore de l'angoisse est souvent utilisée, comme c'est le cas des monstres que voit Depp et des montés d'angoisse auquel est victime Del Toro, angoisse pas forcément apparente au premier abord mais qui est bien présente tout le long.
"Las Vegas Parano" est l'un des films les plus aboutis de Terry Gilliam et aussi le moins déjanté dans sa loufoquerie. Avec "Brazil" c'est aussi une oeuvre pessimiste et une réflexion sur la vie.
Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d'être un Homme...