Objet filmique de tous les fantasmes à la flatteuse réputation, il me tardait de voir Detention. Premièrement parce que je suis fan du premier long métrage de Joseph Khan, le sublimement crétin Torque. Après les succès des Fast and Furious, les producteurs de ces films décérébrés à la gloire des moteurs surgonflés ont eu l'idée de reproduire leur succès en transposant l'univers de la bagnole dans celui des deux roues. Ils appelèrent alors Joseph Khan pour mettre en boîte leur nouveau bébé. Joseph Khan, clippeur MTV de son état (le clip toxic de Brit Brit c'est lui), s'occupa de mettre en image le scénario de Torque qui tenait sur une feuille de papier bristol selon la légende. Torque, c'est un déluge de prétention filmique, des plans alambiqués à mourir de rire et des FX conçus sous acides. Mélangez le tout et vous obtiendrez un cocktail non-sensique jouissif d'1H20, la recette d'un délicieux nanar. Joseph Khan reniera Torque quelques années plus tard et fera preuve d'auto dérision dans Detention lorsque l'un des héros dira: "Je veux juste dire qu'il semble que Clapton va inviter Ilone, ce qui a à peu près autant de sens que ce film stupide: Torque." 10 ans après ce méfait, le sieur Khan s'attèle à son nouveau bébé, Detention. Désirant briser tous les codes du slasher, le réalisateur nous offre un OFNI pas piqué des hannetons (j'adore cette expression), un truc tellement au goût du jour pour le public ado que ce film deviendra obsolète d'ici 6 mois. Si vous avez entre 15 et 20 ans et que vos parents ne comprennent pas pourquoi vous vous enfermez dans votre chambre 10h par jour face à votre ordi, si vos géniteurs ne pigent rien à Facebook et qu'ils s'étonnent de vous voir emmener votre portable jusque dans les toilettes, montrez leur Detention. La vision de ce film sera pour eux comme un cours magistral sur la vie des "digital native" et peut être qu'ils pourront entrapercevoir quelques codes de vos vies si palpitantes. Je dis bien peut être, car même un jeune d'aujourd'hui peut se retrouver largué face au déluge d'informations et de hypitude que produit ad nauseam Detention. Dans ce choix d'éclater la narration, Detention ressemble souvent au film Southland Tales du réalisateur sur estimé Richard Kelly. On comprend que dalle, ça part dans tous les sens, mais pour être cool, on dit que ce film est mortel et en avance sur son temps. C'est à la fois vrai, mais le fait d'être en avance sur son temps rend parfois les films subitement caduque. Car on ne sait jamais à quoi ressemblera les productions du futur. La preuve: Si on se place 15 ans en arrière, lequel d'entre nous aurait pensé qu'en 2012, les jeunes porteraient nos vieux survet' des années 90, survet' que l'on a foutu à la poubelle il y a bien longtemps. Qui aurait pu prédire que certains jeunes de 2012 arboreraient fièrement ces lunettes de ski hideuses, lunettes qui prennent la poussière dans un sac planqué au fond de notre grenier depuis 15 piges. Personne. J'en reviens au film. Detention est un long métrage complètement vain mais souvent brillant. Joseph Khan nous balance des séquences ciné jamais vu auparavant et nous assomme littéralement par des idées de mise en scène toutes les 5 secondes. Le réalisateur exige de nous une constante attention face aux déluges de dialogues et à sa constante inventivité. C'est en cela que réside la puissance de Detention. Face à une jeunesse constamment connectée au web, une jeunesse en communication perpétuelle (chat, msn, sms, mms etc etc...), Joseph Khan adapte brillament sa mise en scène pour montrer ce phénomène d'hyper communicabilité propre à notre époque. Le reste du film n'est qu'un gloubiboulga de la culture pop actuelle qui ne sert finalement qu'a témoigner de la mondialisation de la Culture. Aujourd'hui, le jeune écoute du rap, du rock, de l'ectro, lit des mangas, aime les années 90, voue une passion pour la VHS à l'heure du tout numérique, bref, le jeune est multiple, il est partout mais déjà ailleurs. Detention est le reflet exagéré d'une jeunesse américaine hyper branchée, thème qui peut faire grincer les dents à plusieurs reprises. Detention est à ne surtout pas prendre au premier degré. Toi, le jeune qui s'habille comme un plouc, qui lit le Rouge et le Noir de Stendhal, qui possède encore le Nokia 3310 et qui n'est pas inscrit sur Facebook, ne regarde pas ce film. Tu es au dessus de tout ça, tu les emmerdes. Mais toi qui te cherche encore, toi qui ne sait jamais si tu dois acheter du 42 ou du 44 pour tes pompes, toi qui peine à trouver ta personnalité, toi qui est encore influençable, je t'interdit de regarder Detention. Tu serais capable de te croire encore plus nul et de prendre modèle sur l'acteur Josh Hutcherson, et tu ne reussiras finalement qu'à ressembler à un gros con cynique et dejà has been. Detention provoque autant l'agacement que la fascination, signe d'un film réussit, il faut bien l'avouer.