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chrischambers86
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4,0
Publiée le 22 juin 2013
C'est globalement la plus belle, la plus soignèe et la plus satisfaisante des adaptations du roman de Gustave Flaubert! Jean Renoir a voulu être le plus fidèle possible au texte de l'auteur! Ce roman est un univers complet à lui tout seul, et dans lequel le cinèaste de "La grande illusion" retrouve les èlèments essentiels de ce qui l'intèressait: l'insatisfaction humaine en gènèral, l'amour inassouvissable, accompagnès d'une ètude de ces dimensions intèrieures que sont le souhait, le dèsir, le regret, la nostalgie, le rêve...il y a très peu de dialogues dans le livre mais tous les dialogues du film sont pour ainsi dire des dialogues de Flaubert! Qu'en reste-il 80 ans plus tard ? Un grand classique du cinèma français qui fut rèalisè en pays normand, avec une reconstitution admirable de la vie française du milieu du XIXeme siècle, et qui connut malheureusement un très injuste èchec financier (tout comme "La chienne", "Boudu sauvè des eaux" et "La nuit du carrefour"). Face à Pierre Renoir, parfait dans le rôle de Charles Bovary, Valentine Tessier, merveilleuse actrice de thèâtre, ôte au rôle de Emma Bovary toute trace de thèâtralitè entre ruine et mort! A la base, "Madame Bovary" devait durer plus de trois heures! Le film fût rèduit à une heure et quarante minutes, c'est à dire le nèant! Un coup terrible pour cette version de 1933, qui, mutilèe à sa sortie, aurait pu accèder au statut de chef d'oeuvre! C'est Darius Milhaud qui ècrivit la partition de "Madame Bovary" dont la fèconditè artistique ètait tout à fait exceptionnel, ce musicien abordant tous les genres! Ont suivi une version allemande, puis argentine et en 1949 une excellente adaptation de Vincente Minnelli ! Vient en 1991 une peinture au vitriol honorable de la bourgeoisie des annèes 1850 mis en scène par Claude Chabrol et surtout en 1993 "Le Val Abraham" du juvènile Manoel de Oliveira, relecture très libre et très modernisèe d'une bourgeoise romantique et suicidaire...
S'attachant à mettre en valeur l'aspect médiocre de l'histoire et de ses personnages, Renoir filme l'oeuvre de Flaubert avec beaucoup d'humour, et parvient à mettre en scène le regard moqueur qu'avait l'auteur sur ces gens sans ambition ni rêve autres que ceux dictés par leur propre égoïsme. Un film moins sombre et moins grandiose que le livre, mais à sa façon provocateur et brillant.
Le roman de Gustave Flaubert, «Madame Bovary », a fait l’objet de quatorze adaptations à l’écran à ce jour (2019), dont quatre à la télévision, ce qui doit en faire l’un des livres le plus scénarisé. La flamboyante, sombre et tragique version que Vincente Minnelli réalisa en 1949 domine aisément la filmographie. Celle de Renoir, antérieure de quinze ans, ne démérite pas, loin de là. Les égoïsmes d’une classe de bourgeois provinciaux sont décrits avec précision, à commencer par Emma Bovary, le prototype d’égocentricité et le contre exemple, son mari (touchant Pierre Renoir), homme bon et aveuglément amoureux. Une fois pour toute Emma, décidée à vivre sa vie comme elle l’entend, méprise toute convention, ne manquant même pas de retenue en allant demander secours à un Abbé, qui se révélera aussi égoïste qu’elle. La grande force du réalisateur est de diriger Valentine Tessier dans le rôle titre de manière glaciale et théâtrale, montrant ainsi le combat permanent entre le désir et la réalité qu’elle n’arrive pas à faire coïncider. Tous les personnages deviennent ainsi des utilités, y compris ses deux amants qu’elle aime soit disant « à la folie », mais juste pour échapper à sa morne vie quotidienne. D’ailleurs elle n’hésite pas à les taper pour couvrir le découvert abyssal dans lesquels ses dépenses somptuaires ont plongé son ménage. Les décors étriqués et surchargés de la maison familiale rendent l’enfermement encore plus irrespirable et la mise en scène au cordeau et souvent sans fioritures (le film durait initialement trois heures) va donc toujours à l’essentiel, comme le plan d’excuse à la belle mère où Emma Bovary est enfermée dans l’embrasure d’une porte. Cette sécheresse durcit le film tout en amortissant quelque peu le côté ironique du livre. Tel quel, cette version de 101’ (Renoir regrettait amèrement les coupes) reste, à mon sens la deuxième meilleure à l’écran (mais je n’ai jamais vu la version de Gerhard Lamprecht de 1937, jamais sortie en France, qui a bonne réputation outre Rhin).