La réalisatrice Christine François avoue son attirance pour le réalisme documentaire. Après ses précédents films qui étaient déjà inspirés de faits réels, elle a décidé de reprendre les confidences d'une Française qui avait adopté un enfant béninois, comme point de départ de son premier long-métrage de cinéma, Le Secret de l'enfant fourmi. Son travail de documentariste a d'ailleurs été repris par Maïwenn pour Polisse, qui reprend plusieurs séquences du documentaire "Brigade des mineurs : L’amour en souffrance" qu'elle a co-réalisé avec Rémi Lainé, et qui fut diffusé sur France 3 en 1998.
Le Secret de l'enfant fourmi est inspiré d'une triste réalité : la pratique courante d'infanticide dans la région du Nord-Bénin. En effet, en raison de croyances, des milliers d'enfants sont sacrifiés parce qu'ils sont nés avec des signes perçus comme annonciateurs d'appartenance aux démons : position particulière pendant l'accouchement, poussée de dents, ou simple naissance prématurée. La réalisatrice Christine François explique qu'une alternative probante à ce genre de pratique est l'adoption internationale, comme le fait Cécile (Audrey Dana) avec Lancelot (Elie-Lucas Moussoko) dans le film.
Tous les comédiens africains du film, à l'exception de Gérard Hounou et Fati Ganiki, sont des acteurs amateurs, choisis lors d'un casting sauvage au Bénin, et formés pendant le tournage. La réalisatrice désirait d'ailleurs avoir des gens issus de la culture et de l'ethnie bariba, pour conserver cette logique documentaire : "Ce sont eux qui m’ont guidée, qui se sont emparés du film. Ils l’ont animé sous mes yeux. La responsabilité de ce que dévoile le film a d’emblée été partagée", confie Christine François.
Forts de leur collaboration vieille de 10 ans, Christine François et son compositeur Jean-François Hoël ont tenté de faire coexister les deux mondes, occidental et africain, au sein de la bande son et de l'univers sonore du film. On y croise ainsi de la musique africaine, des bruits de nature, mais aussi du rock et de la guitare électrique.
Le jeune acteur Elie-Lucas Moussoko, qui fut choisi parmi plus de 70 autres enfants, n'avait jamais mis les pieds en Afrique avant le tournage. Ce qui a d'ailleurs posé problème lorsqu'il a dû jouer la scène de transe. Christine François lui a alors fait écouter des enregistrements, et a aussi projeté des images qu'elle avait tournées au Bénin pour lui donner le ton de la scène.
Fati Ganiki, l'interprète de la mère analphabète de Lancelot, est en réalité une femme instruite qui a voulu participer au film pour témoigner et prendre position sur les problèmes qui rongent cette région du Bénin.
Audrey Dana raconte que, pendant le tournage, il était courant de voir des dizaines et des dizaines d'enfants regarder le film se faire, vivant autour de l'équipe technique et du plateau. Mais malgré cette effervescence, la comédienne fut frappée par la rigueur de cette petite foule : à l'instant où l'assistant criait "moteur !", tout le monde faisait le silence.
Le Secret de l'enfant fourmi est dédié au chef-opérateur François Kuhnel, partenaire de cinéma de Christine François depuis 17 ans, et décédé le premier jour du montage du film. Il avait travaillé sur les séquences en Aquitaine, avant de laisser la partie du tournage au Bénin à un autre chef-opérateur, Dominique Colin.
Alors que l'équipe tournait près d'une immense termitière, Mohamed Imorouchabi, l'interprète du père de Lancelot, a eu un malaise. Après l'avoir réanimé, la réalisatrice et les techniciens ont cru à un coup de chaud, mais pour les participants africains du film et l'acteur lui-même, la raison fut évidente : la scène se tournait en plein lieu sacré, et l'acteur fut attaqué par des esprits, car il avait profané quelque chose en rapport avec ses traditions.
Alors que le film était en préparation, l'ONU a eu connaissance du scénario, et l'un de ses porte-paroles, Franciscans International, a organisé un forum sur l'infanticide à Cotonou, capitale économique et plus grande ville du Bénin, où fut également projeté le film. La projection s'est d'ailleurs faite en présence de Pierre Bio Sanou, un homme qui a passé plus de 30 ans de sa vie à sauver ces enfants et à faire évoluer les mentalités (le film est également dédicacé).