Premier film post-Harry Potter pour Daniel Radcliffe, La Dame en noir se présentait comme le genre de série b pour ado des plus inoffensives, notamment à cause de la réputation aujourd'hui bien changée de son acteur principal. Des plus monolithiques, il peine à se réinventer comme prévu et s'enferme encore plus dans son rôle de brun ténébreux héroïque et torturé, au passif forcément grave, terrible, infâme.
Dans HP, il perdait ses parents; c'est ici sa femme qui fait défaut à sa vie. Lui reste au moins son enfant, source intéressante d'inquiétude dans le dernier tiers du film, et qui donnera lieu à l'une des plus belles scènes de ce film esthétiquement très réussi, profondément mélancolique et proche, par certaines séquences, du contemplatif et de la poésie. Sa dernière image en témoignera mieux que de longs discours, émotionnellement forte et joli retournement des clichés que l'on a sur les personnages interprétés par Radcliffe.
Très sympathique, La Dame en noir a le grand mérite de ne pas baser son horreur sur ses seuls jumpscares, pourtant très efficaces; trop talentueux pour cela, James Watkins, déjà à l'oeuvre comme réalisateur/scénariste sur l'inoubliable Eden Lake, base toute son atmosphère sur ses décors tous très réussis, variés et superbement filmés. De cette demeure épouvantable, on retiendra un plan très bien rendu à l'écran : on se la remémore sans problème, s'y repère aussi facilement que ce qu'on y connaîtra de frissons récurrents.
Outre le terrifiant visage apparu sur la vitre en un jumpscare qu'on placera dans les screamers les plus efficaces de ces dix dernières années, la manière qu'il a de façonner la Dame en noir a cela de fascinant qu'il parvient à la rendre autant superbe que répugnante, équivalente aux autres figures du cinéma d'horreur, de celles qu'on considère comme les plus réussies et les plus effrayantes.
Impressionnante, elle porte littéralement le film sur ses épaules: chacune de ses apparitions, mémorables moments de malaise et d'appréhension, remplacent heureusement l'interprétation trop monolithique d'un Radcliffe jouant trop sur sa jolie image de marque, beau gosse des années victoriennes plus proche d'un Harry Potter version 19ème que du veuf torturé qu'il est censé incarner.
Ce défaut d'interprétation s'inscrit dans ce qui bloque ce petit film d'épouvante au rang des séries b : beaucoup trop convenu, La Dame en noir, tout aussi efficace et joli soit-il, répète les codes et poncifs du genre déjà populaires depuis plus de cinquante ans sans pour autant se les approprier, les modeler à son image et surprendre son spectateur. Des plus classiques, il aura beau exceller dans ce qu'il fait, jamais on ne le considèrera comme autre chose qu'une redit de ce qu'on aura pu voir ailleurs en plus vieux, en moins moderne et moins numérique.
C'est évident qu'il aurait gagné à être écrit différemment, à se libérer un peu des carcans obligatoires du film de fantôme lié à un drame ayant lui-même conduit sur une malédiction terrible, pourtant bien mené jusqu'à cette conclusion terrible et très bien tournée, encore que le trop plein de numérique pourra gêner les yeux sensibles.
Se reposant un peu trop sur ses effets spéciaux numériques, nul doute que l'expérience aurait été absolument différente s'il avait mis le paquet sur son atmosphère visuelle très réussie, s'il était parti encore plus loin dans ses clairs obscurs profonds, sa photographie fantastique, ses lumières magnifiques. Suggérer toujours plus n'ayant jamais fait de mal (fantastique Maison du diable), jouer avec la caméra plutôt qu'avec le numérique s'impose désormais, c'est une certitude, comme le meilleur moyen de marquer un public en quête de véritables sensations fortes, de ceux qui veulent être effrayés et ne pas bondir de leur siège en taper un arrêt cardiaque à chaque agression sonore.
Des plus classiques, La Dame en noir demeure un petit bijou d'horreur au potentiel énorme jamais suffisamment exploité, que cela concerne l'interprétation de Radliffe ou le travail de réalisation du très marquant Watkins. Choquant, tendu, joliment enrobé et touchant par son écriture, il marque un bon début de carrière d'adulte pour son acteur et s'inscrit dans un retour très appréciable de la superbe maison de Production Hammer (distributeurs des magnifiques Dracula, Frankenstein, Momie et Sherlock Holmes avec, principalement, Peter Cushing et Christopher Lee dirigés par le charismatique Terence Fisher).
Si l'on sent le style Hammer dans le reproduction des costumes et des décors, dans l'ambiance perdue et fantomatique de ces contrées reculées (les habitants du village rappellent les assassins hystériques de la créature de Frankenstein), La Dame en noir n'égale pas la qualité de leurs chef-d'oeuvres d'épouvante plus proche de la poésie que de l'ultraviolence des années 70, cinéma classique et charmant qu'ils tentaient ici de faire revivre. Si ce premier essai n'est pas des plus fructueux, il demeure un plaisir immense et une jolie pépite de série b, très joliment enrobée et conclue de bien belle manière.
Une grande surprise !