Les documentaires sur l’argent et son influence dans le monde sont à la mode : après « Capitalism : A Love story » en 2009 et « Inside Job » en 2010, voici que débarque sur les écrans français en ce début d’année 2012 « Freakonomics », adaptation du livre d’économie le plus lu aux Etats-Unis.
Celui-ci, conséquent à la crise économique de 2007 et qui date du début de l’année 2010, s’inscrit assez bien dans la mouvance de ses deux prédécesseurs, en particulier celui réalisé par Michael Moore : aborder des choses assez graves et on ne peut plus d’actualité sur un ton relativement léger. Déjà que la période n’est pas toujours gaie, il ne faudrait pas non plus tomber dans la dépression totale ! De ce point de vue le film est assez réussi, même si l’on aurait peut-être aimé un humour plus ravageur, un cynisme de tous les instants que l’on ne fait qu’entrapercevoir. Des atouts, « Freakonomics » en a. On retrouve notamment à la réalisation des documentaristes très différents dans leur style (pour ne citer qu’eux, Heidi Ewing et Rachel Grady ont réalisé auparavant l’hallucinant « Jesus Camp », tandis que Morgan Spurlock était aux manettes de « Super Size Me », expérience saisissante sur le monde de la malbouffe), mais qui s’avèrent ici complémentaires, évitant la répétition de mise en scène et de construction narrative. Chacun s’est attaché à un sujet différent pour illustrer de façon complète et originale une thèse économique, ce qui ne manque pas de fluidité et de perspicacité à l’écran. Autre bonne idée : la participation active de l’économiste Steven Levitt et du journaliste Steven J. Dubner, co-auteurs du best-seller, dont les commentaires réguliers durant chaque séquence apportent une certaine cohérence, le tout avec une légèreté salutaire. Nous pouvons en revanche être surpris de certains choix opérés en ce qui concerne les sujets traités pour aborder le dérèglement économique : n’y avaient-ils pas meilleurs exemples pour illustrer le propos que ceux de l’influence du prénom sur notre avenir, des matches de sumos arrangés, du déclin de la criminalité urbaine dans les années 90 aux Etats-Unis et des étudiants récompensés par de l’argent afin de leur faire obtenir de meilleurs résultats ? Au moins, l’originalité de ces thèmes a le mérite de présenter la question de l’argent et de nos problèmes de société sous un angle inattendu, loin des explications que l’on nous rabâche à longueur de temps à la télévision, la radio ou dans la presse. Alors que Levitt et Dubner nous invitent à une réflexion personnelle, notamment à l’occasion d’un discours final honnête, sans la moindre démagogie ou naïveté, le film s’achève avec modestie. A défaut d’être subversif, le documentaire s’apprécie comme un divertissement agréable, où la forme prend peut-être un peu trop le dessus sur les idées (on saluera toutefois la qualité des séquences animées et en particulier celle de « It’s Not Always A Wonderful Life », remarquable). Pas rédhibitoire, de l’« entertainment » fréquentable.