Ce film est assez fascinant pour plusieurs points se rejoignant : Il est tiré d'une pièce de théâtre française ; il est très court (environ 1h15) ; et il s'agit d'un huis-clos. Excepté pour la toute première scène accompagnant le générique de début et celui de fin, on ne voit aucun décor mis à part l'appartement du couple interprété par John C. Reilly et Jodie Foster, et le couloir menant à l'ascenseur qu'essaieront plusieurs fois de rejoindre l'autre couple, interprété par Christoph Waltz et Kate Winslet.
Le côté fascinant vient pour moi du fait que même si les acteurs principaux sont anglophones, et que l'action se passe à New-York, je trouve que les répliques transpirent le style français. Je ne sais pas à quel point Roman Polansky et l'auteur de la pièce ont adapté le texte original, mais il reste un style particulier qui trahit sa nationalité. Et voir des têtes d'affiche se balancer des répliques cinglantes sur différents sujets, à la manière dont on le verrait dans un théâtre français, constitue pour moi quelque chose d'assez unique.
Niveau réalisation, rien d'exceptionnel, pratiquement tout se passe dans le salon, la caméra va parfois suivre un personnage se rendant dans la salle de bain ou la cuisine, et sinon, il ne s'agit que de plan large et de champ contre-champ ultra-basique, mais en même temps, je ne vois pas comment filmer ça autrement, et cela permet de conserver un dynamisme montrant les actions et suivant les dialogues sans aucune fioriture.
Le jeu des acteurs est très plaisant : Jodie Foster joue très bien cette femme indignée dont le fils a été frappé par l'enfant de l'autre couple, prenant la défense de son enfant pour l'acte qui a été commis, sans penser que, même si cela ne se fait pas, son fils a peut-être un peu cherché les problèmes. Elle est, par ailleurs, très méfiante, voulant d'abord distribuer les informations sur son compte au compte-goutte, et régler cet incident à l'amiable. Son mari, en médiateur, calme dans un premier temps les esprits lorsque certaines formulations passent mal, mais semble clairement n'en avoir rien à faire, et préfère jouer la carte du gentil sans trop prendre part à la discussion, révélant avoir bien plus de choses à dire qu'il n'y parait au fur et à mesure.
Quant à l'autre couple : Kate Winslet est aussi protectrice à propos de son enfant que Foster, mais a cet air plus hautain, chic, mais également faux et pour ainsi dire détestable, faisant très bien la paire avec son mari : un avocat semblant sans scrupules, manquant régulièrement de tact, mais également de politesse, répondant toutes les cinq minutes à un appel d'un collègue, révélant petit à petit l'affaire sur laquelle il travaille, et qui se révélera être un élément secondaire, mais ayant son importance.
Au final, ce qui commence sur un dialogue rempli d'hypocrisie plus ou moins dissimulée par les personnages se transformera rapidement en joute verbale sur tous les sujets touchant de près ou de loin à chacun, avec une montée en puissance, des actes prenant des fois le pas sur les mots, les moments où un couple se retrouvant seul quelques instants servant à cracher du venin sur l'autre duo, tout cela en mettant de côté petit à petit ce qui a amené à organiser cette rencontre.
Et c'est bien en ça que Roman Polansky, selon moi, a eu raison de se montrer très classique dans sa façon de réaliser : L'important ici, c'est le jeu des acteurs, car ce sont bien leur personnage, leur façon d'être, de se comporter, qui est mise en avant, ils sont là pour faire le spectacle comme dans toute bonne pièce de théâtre de ce type, et c'est pour ça que choisir le gratin fut judicieux. Et bien que je trouve qu'au final, il n'y a rien d'exceptionnel dans cette histoire, et que tous les sujets abordés ne sont pas passionnants, ou un peu survolés à cause les piques lancées à tout bout de champs, et servant à embrayer sur autre chose, on a quand même à faire à un film de qualité, faisant la part belle aux dialogues, tout en gardant en tête qu'on ne peut pas tenir les gens des heures durant devant un tel projet, justifiant par la même occasion la longueur du récit.