Le film de maison hantée est devenu un genre à part entière dans le cinéma d'horreur, avec ses codes et ses archétypes. Mais en 1944, année où Lewis Allen réalise "La Falaise mystérieuse", le genre est quasiment inexistant. Le fantastique existe au cinéma mais par le biais des monstres popularisés par la Universal. Et si le "Rebecca" réalisé par Hitchcock a des allures de conte gothique avec sa maison étrange, il ne s'aventure pas pour autant dans le surnaturel. "La Falaise mystérieuse", premier long-métrage de son réalisateur franchit donc le pas en nous contant l'histoire d'un frère et de sa sœur, Roderick et Pamela, qui décident d'acheter un superbe manoir surplombant une falaise en Cornouailles. Les deux tombent vite sous le charme de l'habitation et en tirent un bon prix. Mais la nuit, des sanglots de femmes se font résonnent dans le manoir et le vent fait frémir les fenêtres... Roderick et sa sœur décident donc de percer le secret de cette demeure, secret auquel la belle Stella, qui ne laisse guère Roderick indifférent, semble être liée... Reconnaissons d'emblée à "La Falaise mystérieuse" ses qualités. Pour une réalisation de 1944, on y frissonne encore énormément d'effroi. Et pour cause ! Aidé par Charles Lang à la photographie (on lui doit les éclairages de "L'aventure de Madame Muir" ou encore de "Certains l'aiment chaud"), Lewis Allen met en place une ambiance particulièrement terrifiante quand le manoir laisse libre cours à l'esprit qui le hante. Impossible de ne pas avoir la chair de poule en entendant ces sanglots nocturnes ou en découvrant les images spectrales du fantôme. Ajoutez à cela un éclairage jouant parfaitement avec la lueur des bougies dans l'obscurité et vous obtenez de délicieux frissons ! Il est alors dommage de constater que pour un film misant tout sur le surnaturel, il est extraordinairement bavard. On se retrouve vite avec des personnages qui flirtent et qui parlent beaucoup pour rendre le mystère du manoir compréhensible aux spectateurs. Certaines scènes en deviennent quasiment interminables, étirées dans des enchevêtrements narratifs alambiqués et un peu artificiels. Heureusement, le charisme de Ray Milland et le charme fou de Gail Russell dans le rôle de la fragile Stella viennent ajouter un peu de piment à ces moments laborieux et un peu mous. A y regarder de vraiment près, "La Falaise mystérieuse" manque sérieusement de rythme. On est parfois à deux doigts de l'ennui tandis que les personnages papotent tranquillement, parfois plus occupés par leur romance naissante que par le mystère du manoir. Pourtant pas de doute, c'est dans le manoir que se trouve le vrai point fort du film avec une utilisation parcimonieuse des effets terrifiants pour un rendu vraiment saisissant ! Peut-être l'utilisation de ces effets est-elle trop parcimonieuse car nous n'aurions vraiment pas été contre une ou deux scènes de plus dans ce manoir gothique à souhait. On fera avec ce qu'on a, conscient de la qualité d'une œuvre qui, plus de 70 ans après sa sortie, nous fait les mêmes effets qu'un "Sinister" ou qu'un "Conjuring" quand elle décide de s'y mettre sérieusement.