Considérant "Butch Cassidy et le Kid" de George Roy Hill comme un véritable chef d’œuvre, lorsque j'ai su que Blackthorn mettait en scène la dernière chevauchée de Butch, j'ai forcément été grandement tenté, curieux même. Alors que je m'attendais à me plonger dans un Western classique et sans grande audace, Mateo Gil a su me surprendre et m’émerveiller. Car oui, "Blackthorn" se démarque franchement du reste des autres Western actuels, et possède son propre caché, son propre style. Le fait que l'action se situe dans les paysages majestueux de Bolivie y contribue forcément un brin, mais ce film possède décidément plus d'un tour dans son sac. Sous toutes ses formes, ce film est l’œuvre d'un travail passionné et assidu, plein de verve et de singularité. Évitant malicieusement les fantaisies et hommages habituels piqués à Sergio Leone (sans jamais y atteindre son génie), ce Western (ou plutôt ce film d'aventure dramatique, car "Blackthorn" n'a de Western que son époque et son personnage central) sort des sentiers battus, arborant un rythme lent et contemplatif, teinté d'une âpre nostalgie. Les discours sont rares mais les paroles jamais veines, la caméra prend le temps de nous plonger dans l'ambiance rugueuse de cette sombre histoire. Avec un soin particulièrement poussé, chaque plan s'articule autours d'une mise en scène peu conventionnelle, catalysant les émotions rudes et féroces du vieux Butch. Évoluant dans des panoramas à la beauté estomaquante et entrainé dans une fâcheuse mésaventure, le loup solitaire Butch va se retrouver avec un jeune ingénieur dans les pattes, ainsi qu'avec une flopée d'ennuis (à cause de l'argent, encore et toujours!). Pris en chasse comme des bêtes, Butch et son compagnon-malgré lui vont devoir survivre, apprendre à vivre ensemble. Mais les apparences sont souvent trompeuses, et le chemin est jonché d'épines redoutables. L'histoire de "Blackthorn" ne casse pas trois pattes à un canard, mais est assez touffue afin d’honorer sa superbe mise en scène. Les personnages ne sont jamais futiles, toujours intriguant et bien interprétés. Sam Shepard fait de Butch un homme téméraire et assez stoïque, dont le lourd passé pèse sans cesse sur sa conscience (les nombreux flashbacks en compagnie du Kid et de sa compagne l'attestent); il joue admirablement bien, ainsi que Stephen Rea, au personnage légèrement désabusé. Que retenir de "Blackthorn" au final ? Qu'il s'agit d'une œuvre assez puissante, prenante et très bien réalisée, non exempt de défauts, mais regorgeant de qualité, de sensibilité et d'émotion feutrée. Une superbe escapade! 16/20