L’ayant remarqué avec son long-métrage Easy Money (sorti en 2011 chez nous), les producteurs hollywoodiens ont offert au réalisateur suédois (d’origine chilienne) Daniel Espinosa l’occasion de s’occuper d’un projet avec un peu plus d’envergure, qui lui permettrait de se faire connaître auprès d’un public beaucoup plus large (et, pour eux, de s’en mettre plein les poches). Et Sécurité rapprochée (Safe House en VO) avait de quoi se montrer bien plus imposant pour le cinéaste : un budget dépassant les 80 millions de dollars et des têtes d’affiche de renommée comme Denzel Washington et Ryan Reynolds. Malheureusement, ces dernières années, le cinéma d’action américain nous a montré à plusieurs reprises qu’un bon réalisateur pouvait s’effacer derrière un produit hollywoodien. Et Daniel Espinosa en fait partie…
En y regardant bien (que ce soit synopsis et bandes-annonces), Sécurité rapprochée à tout d’un buddy movie tout ce qu’il y a de plus classique : deux héros que tout oppose et qui doivent néanmoins faire équipe pour survivre, des belles gueules du cinéma hollywoodien pour les incarner, de l’action à gogo et de l’adrénaline à très forte dose… tout ce qu’il faut pour passer un agréable moment, comme tout bon divertissement musclé qui se respecte. Mais malgré ces airs-là, Sécurité rapprochée a bien du mal à porter cette étiquette. D’une part, un buddy movie se doit d’arborer un second degré nécessaire pour rendre attachant son duo principal (il n’y a qu’à voir 48 Heures et surtout L’Arme Fatale). Ici, aucun aspect comique, aucune vanne… le néant total de ce côté-ci du scénario, qui se prend bien trop au sérieux et rend ainsi chacune des transitions entre scènes d’action (en gros, les moments plus intimes ou de purs blablas) plutôt longue voire ennuyeuse. De l’autre, le tandem du film n’a pas le charme de Mel Gibson/Danny Glover et autres Eddie Murphy/Nick Nolte. La faute au choix de Ryan Reynolds, un beau gosse que l’on verrait bien plus dans une pub de parfum (ce qui a été le cas) plutôt que dans un film, le bonhomme n’ayant juste aucun talent d’acteur, si ce n’est de rester aussi inexpressif qu’une huître (Green Lantern donnait déjà le ton). Et avoir un comédien de cet acabit face au monstre qu’est Denzel Washington, une célébrité qui illumine l’écran rien que par sa présence, le buddy movie en question ne peut fonctionner.
D’ailleurs, Washington se montre être le seul attrait de ce film, alors qu’il n’est même pas au top de sa forme comparé à d’autres longs-métrages du même genre. Mais son jeu et sa présence suffisent amplement pour s’intéresser à son mystérieux personnage, pour se préoccuper de son sort du début du film jusqu’au générique de fin,
pour avoir un coup au cœur quand le dénouement pointe le bout de son nez
. Même en mode minimaliste, il arrive à rendre un scénario bateau et archi-vu sympathique à suivre. Mais même son aura ne parvient pas à faire oublier tout le côté cliché et prévisible de l’ensemble, ni le peu d’importance des personnages secondaires pourtant incarnés par de grands noms (Vera Farmiga, Brendan Gleeson, Sam Shepard…),
qui font juste office d’alliés ou d’ennemis.
Face à une trame balisée au possible et un duo d’acteur franchement inégal, le réalisateur Daniel Espinosa arrive néanmoins à rendre Sécurité rapprochée aussi divertissant et sympathique que la moyenne. Cela, le film le doit à sa mise en scène, plutôt nerveuse, qui nous offre des séquences d’action (courses-poursuites, fusillades, bastons…) efficaces. Ces dernières ne sont sans doute pas aussi nombreuses qu’espérées, mais au moins, elles justifient pleinement notre raison de regarder un tel long-métrage hollywoodien le temps d’un visionnage. De plus, le cinéaste se permet, par moment, d’offrir certains plans qui, comme ça, n’ont l’air de rien mais qui apportent une beauté visuelle inattendue via les décors de l’Afrique du Sud (notamment cette vue d’hélicoptère, où une route sépare deux types de terrain). Dommage qu’avec un tel projet, le Suédois ne cherche pas à imposer sa patte ou son véritable savoir-faire pour se démarquer du lot.
En conclusion, Sécurité rapprochée n’a pas l’envergure d’un film d’action hollywoodien mémorable, ni celle d’une bouse qui aurait tout aussi bien pu sortir directement dans nos bacs sans passer par la case cinéma. Non, Sécurité rapprochée est juste un divertissement banal, pile dans la moyenne de ce que les studios américains peuvent aujourd’hui nous livrer, et qui peut compter sur la présence de Denzel Washington pour lui donner un soupçon d’intérêt. Quant à Daniel Espinosa, espérons pour lui qu’il prenne plus de risque que cela pour dévoiler son talent certain sur un futur projet.