Enfance, innocence, vengeance, trois mots en tête d’affiche, trois mots qui ne décrivent en rien ce que représente « Stoker » pour le spectateur. Ce film, et là est située sa force, est une expérience à vivre. Une expérience un peu traumatisante, parfois malsaine, mais tout de même assez unique. Chan-Wook Park fait une première incursion en terre inconnue. Le réalisateur quitte sa Corée natale pour tenter la grande aventure américaine. L’homme ne semble pas avoir été contraint d’adopter les codes occidentaux. Sa mise en scène est davantage travaillée que dans les habituelles productions hollywoodiennes. Tout est filmé avec goût, l’ensemble est de toute beauté, autant dans les transitions que dans les mouvements de caméra. La patte coréenne est bien là, et ce, tout du long de l’œuvre. Dès les premiers instants, le spectateur est subjugué par une superbe introduction. Un monologue porté par la petite voix traînante de Mia Wasikowska, accompagné par un magnifique thème musical et des images intrigantes. Une qualité omniprésente, et probablement imputable aux talents de Chan-Wook Park. Pour continuer sur l’aspect technique, les décors, à savoir la maison des Stoker, sont parfaitement convaincants. Essentiels pour une œuvre dont l’intrigue se passe quasiment toujours en intérieur, ils présentent des tons jaunes, verts ou bleus, concordant avec la tromperie et la froideur des lieux. L’histoire de « Stoker » se suit sans difficulté grâce à une réalisation claire et un scénario bien ficelé. Chose à signaler, c’est Wentworth Miller qui signe le script. Puisque le métier d’acteur ne lui a pas convenu depuis l’arrêt de « Prison Break », le voici attelé à l’écriture. Il peut en être fier de son « Stoker ». C’est une œuvre sombre, oppressante et dérangeante mais aussi incroyablement envoûtante. Reconversion réussie ! Côté casting, il y aurait beaucoup à dire, en particulier sur le trio familial. L’héroïne, interprétée par Mia Wasikowska brille par sa non-expressivité. Elle est glaçante du fait que l’on ne sait jamais ce qui se passe dans sa tête. Le genre de jeune fille qu’on n’aimerait pas compter parmi ses amis. Sa mère est jouée par Nicole Kidman. Là où certains la trouveront brillante dans un registre plus sombre, j’ai trouvé que sa performance tire certaines scènes vers le bas. L’actrice, suite à de trop nombreux abus de chirurgie esthétique, a son visage figé. Elle ne véhicule pas les émotions nécessaires à faire de son monologue (
peu avant sa confrontation finale avec Charles
) un moment fort de l’œuvre. Impossible de se concentrer sur les dialogues, tant on attend désespérément une expression naturelle. « Moulin Rouge » est bien loin Nicole... Mais la révélation de cette distribution est Matthew Goode. Déjà charmant (et charmeur) dans le très beau « A single man », l’acteur dévoile ici toute la profondeur de son jeu. Capable de passer de la plus grande douceur à la démence, il est exceptionnel. Son sourire contribue grandement à l’impression glaciale que dégage son personnage. Il y a également une erreur de casting, et elle est française, saurez-vous la trouver ? Judith Godrèche, parce que oui c’est elle l’erreur, est heureusement anecdotique et aura eu peu de lignes de dialogue à apprendre, pour le plus grand bonheur de mes oreilles. Après avoir parcouru certaines critiques, j’ai lu une hypothèse sur la nature vampirique de la famille Stoker. C’est une idée intéressante et qui se tient. Cela expliquerait quelques points restés obscurs, et souligne la richesse de « Stoker », une œuvre sujette à débats et réflexion.