Park Chan-Wook, réalisateur du grand Old Boy, signe un cocktail noir et terriblement sensuel pour son premier essai hollywoodien, casé entre ceux de ses compatriotes Kim Jee-woon et Bong Joon-ho. Avec Nicole Kidman en fleur desséchée, cerise sur le gâteau amer, amoral mais absolument délectable qu’est ce Stoker. Je mets deux étoiles, mais à vrai dire mon avis sur ce film est terriblement mitigé, car il a des défauts comme il a des qualités, mais mon impression à la fin du film était la suivante : déçu. Au bord d’une route, une fille élancée, léchée par une brise silencieuse et une caméra langoureuse, observe des brindilles ensanglantées d’un air ingénu. Une minute après, avec une économie de plans saisissante, Park Chan-Wook évacue les prémices de l’histoire – la mort d’un père de famille dans un mystérieux accident de voiture – pour mieux se focaliser sur l’héroïne, la livide India, cœur meurtri et corps assoupi de ce conte morbide sur la filiation. Contrainte de cohabiter avec une mère qu’elle a appris à ignorer avec l’aide de son père, l’adolescente découvre ainsi l’existence d’un curieux oncle, qui va bouleverser la cellule familiale bien amochée avec sa belle gueule et de sombres desseins. Visuellement époustouflant, Stoker enchaîne les hommages hitchcockiens comme L'Ombre d'un doute. Il fait aussi références aux vampires - séducteur le jour et assassin la nuit -, créatures mystérieuses qui nous hantent depuis Nosferatu. Sur ce plan-là, le scénariste Wentworth Miller, connu pour ses navets, surprend. Il concocte une fable grise - et non noire comme promis - mais qui s'ensuit d'un scénario qui est au final pauvre. Car si Stoker est un véritable hommage mais aussi un symbole de la fin de l’innocence, un symbole de l'arrivée à l'âge adulte - pas pour rien que ce fameux oncle arrive le jour des 18 ans d'India - ça reste un film sans grand renouveau et dotée d'une fin banale. Autre point négatif : on s'ennuie comme pas possible, en particulier les 30 premières minutes. Et c'est dommage car suivi d'un tel hommage, Stoker aurait pu être un véritable chef d'oeuvre pour moi, et c'est clairement ce manque de scénario qui tue le film. Visuellement, c’est d’une beauté à couper le souffle. Les obsessions du réalisateur : liens du sang, rapports malsains, sont toujours là. Mais on attend qu’il retrouve toute sa virtuosité perdue après Old boy.