"Stoker"… ou l’hommage du réalisateur Park Chan-wook et de Wentworth Miller, héros de "Prison Break" reconverti en scénariste, à l’univers d’Alfred Hitchcock. Le postulat de départ a de quoi étonner et m’a, d’ailleurs, donné envie de découvrir ce film qui s’annonçait comme inclassable. Sur ce point, le film tient ses promesses puisqu’il ne ressemble à rien de connu (si ce n’est, vaguement, à l’univers de David Lynch). Malheureusement, il ne suffit pas qu’un film soit atypique pour être réussi et "Stoker" est, pour moi, franchement raté. Et pourtant, le scénario aurait pu (aurait dû !) être passionnant avec cette famille endeuillé dont les failles apparentes (avec les problèmes de communication entre une fille quasi autiste et sa mère indigne jalouse de la relation privilégiée qu’elle entretient avec son père) vont être ravivées par le décès prématuré du père et l’arrivée d’un mystérieux oncle. Un pitch propice au mystère et à l’ambiguïté, qui épousait parfaitement l’univers du maître du suspense censé être honoré ici. D’ailleurs, on ne compte plus les plans faisant surtout référence à "Psychose" (l’oncle trop parfait comme Norman Bates, le jeu de lumière de la cave, la scène de la douche, le flic et ses lunettes qui arrête la voiture, les animaux empaillés…) mais également à "Fenêtre sur Cour", "L’ombre d’on soupçon", "La Mort aux trousses"… Mais c’est sans doute cet hommage visuel qui est, paradoxalement, le principal défaut du film. "Paradoxalement" car, il constitue, au final, son principal intérêt…mais il empêche également le réalisateur de se détacher de cet univers. Park Chan-wook pêche, ainsi, par excès de style et privilégie la forme (relativement séduisante bien qu’un peu trop glaciale) au fond (franchement bordélique ou, en tout état de cause, beaucoup trop métaphorique. Car, "Stoker" brouille, à mon sens, bien trop la frontière entre le réel et le fantasmé (le sort de la gouvernante, l’intervention de l’oncle lorsque India manque de se faire violer, le meurtre final sur le bord de la route…), de sorte qu’il est difficile de comprendre les motivations des personnages (pourquoi Mia sombre-t-elle vers la folie ?). Il semblerait que le réalisateur ait voulu imager, de façon onirique, la fin de l'adolescence et la découverte de l'age adulte à travers le trouble de la jeune héroïne (la scène de la douche semblant résumer cette intention) mais était-ce une raison pour se montrer aussi obscur dans son propos. J’aurais pu accepter le parti pris de faire un film hyper métaphorique où le réalisateur refuse de donner toutes les clés aux spectateurs pour qu’ils se fassent leur propre opinion (un peu comme David Lynch) mais, Chan-wook flingue cette porte de sortie en apportant une réponse très rationnelle à la présence de l’oncle. C’est, sans doute, l’autre paradoxe de "Stoker" car ces scènes d’explication achèvent de rendre le film bancal alors qu’elles sont incontestablement les plus réussies de toute l’intrigue. Difficile de ne pas être bouleversé par la relation entre les deux frères et, surtout, par le motif de leur séparation (vous ne regarder plus jamais un bac à sable de la même manière). Ces scènes finissent de faire de l’oncle Charlie (formidable Matthew Goode, qui bouffe l’écran et qui prouve définitivement qu’il n’a pas la place qu’il mérite à Hollywood) l’attrait principal du film, sa présence étant un danger de chaque instant. On pourra également apprécier les prestations de Mia Wasikowska, dont la beauté atypique sert le personnage, et de Nicole Kidman, épatante en mère pathétique. Cette interprétation de qualité ne suffit malheureusement pas à sortir le film de sa torpeur morbide, notamment en raison d’un rythme d’une lenteur affligeante et d’une image d’une tristesse désespérante. Sans doute aurait-je dû me méfier davantage de ce "Stoker", qui ne manquera pas de séduire un certain public plus onirique… Pour autant, le grand Hitchcock méritait un hommage plus en phase avec son univers.