De tous les réalisateurs les plus prometteurs dans le cinéma de genre, Jaume Balaguero a certainement révélé l'un des meilleurs potentiels depuis ces quelques dernières années. Qu'il s'agisse de sa troublante Secte Sans Nom, de son classique mais efficace Darkness, de son glacial Fragile ou encore de son terrifiant REC premier du nom, le cinéaste a su dévoiler à travers ses oeuvres un talent indéniable derrière sa caméra. C'est donc avec pas mal d'attentes que l'on rentrait dans la salle de cinéma pour son tout dernier Malveillance, il y a à peine plus d'un an. Une chose est sûre, et à l'image de ses oeuvres précédentes, on n'en sort pas indifférent. Malveillance est le premier thriller pur du cinéaste sur le papier, mais ne s'éloigne jamais vraiment de son genre de prédilection. Le film suit l'histoire et le parcours de César, un modeste concierge d'immeuble, incarné par un Luis Tosar mystérieux, insaisissable et étrangement dérangeant dés ses premières apparitions à l'écran. Si Balaguero accordait une place très particulière au fantastique dans ses métrages précédents, on constate cette fois-ci que les quelques fantômes, zombies et autres apparitions surnaturelles sont totalement exclues de Malveillance, au profit d'un seul et unique personnage on ne peut plus terre à terre mais dont la capacité à effrayer n'est clairement pas en reste. A lui seul, César incarne tout ce dont une personne normalement constituée pourrait avoir peur. Et si son personnage arrive à être si percutant et dérangeant à la fois, c'est en grande partie grâce à la sobriété qu'adopte tant sa mise en scène que son interprétation d'une justesse remarquable. Evoluant dans un décor restreint, l'enceinte de l'immeuble, aussi minimaliste soit-elle, il se crée autour du personnage principal une atmosphère étouffante, presque claustrophobique, et ce d'autant plus lorsque le film commence à jouer de nos peurs les plus instinctives. Qui n'a jamais ressenti cette désagréable sensation d'être observé, épié, ou encore suivi à son insu ? Quel enfant ne s'est jamais demandé si des monstres ou des méchants ne peuplaient pas le dessous de son lit ? Comment un objet a-t-il pu mystérieusement se déplacer ? Et c'est ce qui effraie et dérange le plus dans Malveillance, le sentiment de pouvoir être confronté à ce genre de situations dans la vie de tous les jours, le sentiment de ne jamais connaître la réelle identité des personnes que l'on croise pourtant quotidiennement. La crédibilité du film lui fait respirer la réalité, et l'on s'y projette d'autant plus facilement. Malveillance s'inscrit donc à son tour sur la liste de plus en plus longue des meilleures oeuvres de genre espagnoles, mais également des plus éprouvantes. Sûrement l'un des films les plus matures de Jaume Balaguero, pour ne pas dire le plus abouti. Notre cher cinéaste a officiellement compris et assimilé les parfaites recettes de la peur à l'écran, la peur simple et efficace, avec très peu de moyens ; mais également de la manipulation des spectateurs, en nous laissant cogiter et réfléchir plus d'une heure sur la véritable nature du personnage, en s'amusant à le rendre presque attachant un instant puis littéralement terrorisant l'instant d'après. Monstre ou victime, pitié ou pur dégout, difficile de décrire ce que l'on ressent pendant toute la durée du film, partagés entre l'attachement que l'on porte naturellement à la jeune femme victime malgré elle des malversations de César, et celui de César lui-même. Une fois de plus, le réalisateur place donc les relations humaines au centre de toutes les attentions. Les pires psychopathes n'ont parfois pas le visage auquel on s'attendrais, c'est sûrement ce que l'on retiendra de Malveillance qui nous embarque sans mal dans les tréfonds des pires déséquilibres psychologiques humains, un crescendo horrifique aux côtés d'un personnage que l'on est pas prêt d'oublier.