LE VISAGE ET LE MASQUE : Thriller dramatique efficace et finement mené, « Malveillance » est une agréable surprise qui ne manque pour autant pas de défauts en dépit des nombreuses qualités qui le caractérisent. Ce qui plait tout d'abord, c'est la profondeur donné au personnage principal qui loin d'en être cantonné à un vulgaire rôle de méchant perfide et cruel se révèle comme étant intimement sombre, bouleversé et désespéré par une vie qui ne lui convient pas. C'est à la recherche du bonheur qu'il court ses journées sans parvenir à l'approcher ou même l'effleurer. Là peut entrer en jeu un des aphorismes céliniens d'une justesse terrifiante : « Si les Hommes sont méchants c'est simplement parce qu'ils souffrent... », comment le nier, la cause première de cette malveillance, du désir de voir souffrir l'autre pour en retirer une quelconque jouissance morale et physique, est bien cette souffrance qui habite le cœur du personnage, ce vide ravageur à l'intérieur de lui comme un feu malsain allumé dans une forêt aride à l'abri des sauveurs et du ciel dévoilé. En ce sens, le thriller prend pied bien tard dans l'histoire, qui tout d'abord ( et peut-être est-ce là la chair du sujet, son intimité la plus intéressante ) nous présente une psychologie plus ou moins détaillé des protagonistes. César le gardien d'immeuble frustré par l'inanité grandissante de son existence, qu'elle soit sentimentale, professionnelle ou sociale. Clara, délicieuse et débordante de chaleur, de joie de vivre, véritablement rayonnante jusque dans le sein de sa tristesse caverneuse, aimante, aimée en retour par la vie. Marcos, le petit ami, doux, tendre, pas méchant pour un sou. Mlle Veronica, vieille femme seule qui cultive l'art de donner sens à ce qui n'en a pas, de fleurir les espaces que rien ne peuplent, présentée un peu comme le pendant vieilli par les ans de César. Ainsi, le cadre, les êtres, la situation sont posés et le thriller, dans son terme propre, peut s'établir lentement, toujours dans la retenue, avec subtilité et non sans une certaine tension qui tient les scènes se déroulant dans l'appartement de la victime. Là-dessus, c'est plutôt réussi, on est pris, on s'accroche, on retient son souffle et comme souvent on prie pour que le coupable ne se fasse pas prendre ( bien qu'ici ce ne soit pas forcément de l'empathie mais plutôt une certaine tendance vers un masochisme extériorisé inconscient ou quelque chose qui s'en rapproche ). Et c'est avec un délice que la première est bouclée, sans frénésie mais avec une finesse d'analyse et une réalisation propre et maitrisée qui tiennent en haleine, captivent et ne nuisent pas au bon déroulement du film... Hélas, ici commence la triste décrépitude de cet objet si prometteur ; le scénario patauge, s'enlise dans son impossibilité à trouver un rebondissement et une suite crédible à cette mise en situation, les scènes s'enchainent avec une cohérence parfois bancale si bien que l'on en vient à se demander « Quand tout cela va t-il s'arrêter? », bien trop tard malheureusement, ternissant ainsi l'œuvre en entier de l'ombre de l'ennui qui commence à poindre de son manteau noirâtre. La scène finale se révèle d'ailleurs est la parfaite illustration de cette difficulté ultime qui touche tout cinéaste : finaliser un film. Et même si le final est purement machiavélique, il surprend si peu, paraît peu crédible et vient si tard qu'il perd quasiment toute la force qu'il aurait pu insuffler à cette demi-heure atrocement poussive... Mais pour ne pas finir sur une mauvaise note ; destin que ce «Malveillance » ne mérite guère : sachons apprécier les qualités indéniables de ce thriller psychologique plutôt bien foutu finalement et, malgré quelques longueurs, à défaut d'être captivant au moins tout à fait prenant.