J'ai eu beaucoup de chance avec ce film car je n'avais ni lu une seule ligne de synopsis ni vu une seule affiche avant de lancer le visionnage. C'était donc dans un flou complet que j'en découvrais le contenu, avec comme seul point de repère le titre, «Malveillance», qui aurait pu vouloir dire tout et son contraire. C'est pourquoi j'encourage toute personne n'ayant pas encore vu ce film à me faire confiance et à la regarder : c'est un chef-d'œuvre. Abandonnez donc ces lignes et précipitez vous sur Malveillance, vous ne serez pas déçu et même très reconnaissants du fait que je vous ai permis de le regarder avec une telle virginité audio-visuelle.
Pour les autres, prenons plaisir à décortiquer ce qui est l'un des films les plus marquants de l'année 2011, une merveille d'humour noir et d'univers malsain. Le titre de ma critique fait référence au bijou sombre de Michael Haneke, tout simplement parce que je considère que le film de Jaume Balaguero flirte avec ce talent, c'est dire sa qualité. Mais comment évoquer Malveillance sans commencer par une éloge passionnée envers un acteur qui confirme film après film qu'il est l'un des maîtres de la scène espagnole (déjà trois prix goya) ? Luis Tosar excelle dans ce rôle de dépressif convulsif, manitou absolu du théâtre de son horreur, diable incarné, aux pas fantomatiques et au sourire démoniaque. Et c'est encore plus marquant quand on s'attache d'abord à ce qui semble être un homme plein de bonnes intentions, avant de découvrir ce qui se cache derrière le masque, ce que les images nous réservent.
Jaume Balaguero réussi quelque chose de fort puisqu'il réalise un film d'épouvante depuis le point de vue du « méchant », ce qui est assez rare en soi et dont l'idée peut vite décevoir ou l'effet de la surprise s'estomper inlassablement. Ici ce n'est pas le cas, la complicité malsaine avec le personnage reste exemplaire du début à la fin, et on est pas mis dans une position où on le déteste sans essayer de comprendre qui il est. Bien sûr, le dégoût prend le dessus en toute fin de film, mais avant cela, c'est une part de pitié et de compassion qui nous accompagne dans ce récit, et qui renforce un aspect humain du Monstre, loin des clichés habituels.
Cette vie nocturne dans l'appartement de Clara (interprétée par la sublime Marta Etura, déjà ravissante dans Eva) devient une plongée en apnée de tous les instants ; nous enrobant d'une asphyxie continuelle, dans la pénombre de la peur, qu'on ne sait plus où situer. C'est tout le ballet des manipulations et de la destruction psychologique au sein de l'hôtel qui deviennent jouissif. Luis Tosar assure un travail de longue haleine, celui d'enlever toute joie sur le visage des clients, échafaudant un plan minutieux, destiné à transformer la rose éclatante en fleur pourrie. Et comment ne pas ressentir toute l'intensité de son dégoût et de sa perversité quand il impose ses histoires à sa mère-légume ou quand il détruit littéralement cette pauvre femme solitaire avec ses deux chiens ?
Malveillance c'est une écriture unique de la part de Marini et une réalisation qui nous plonge dans un enfer quotidien, où son héros macabre erre dans le seul but de transmettre sa tristesse à tous ceux qui l'entourent. Fini l'esbroufe d'une réalisation sans fond à la REC, bienvenue dans l'hôtel de la peur, que même celui de Shining ne parvient pas à égaler. L'épilogue est d'une puissance rarement atteinte au cinéma, et ce film d'épouvante pas comme les autres devient donc une référence absolue et la consécration d'une carrière.