Le film m’a beaucoup plu, dans son ensemble, et le thème principal du film qui est l’hommage est réussi.
Globalement, la réalisation est maîtrisée par Michel Hazanavicius. On a beaucoup de plans fixes et certains sont très localisées, sauf à la fin, les travellings sont légers, exactement comme cela se faisant dans les années 1920. L’histoire est prenante et Jean Dujardin interprète son rôle avec brio, je le trouve au top dans The Artist. Il est très vivant, bon danseur (notamment lors de son numéro de claquettes), et ces désormais célèbres expressions faciales ne sont que positives, surtout dans ce film si particulier qui met en avant la nécessité pour les acteurs d’exagérer les expressions du visage et du corps. Le développement de son personnage est un reflet des années 1920, car beaucoup d’acteurs voyaient d’un mauvais œil l’arrivée du cinéma parlant, étant donné qu’ils avaient basés leur reconnaissance et leur réputation sur les gestes et la façon de jouer les émotions. Si j’ai cité Charlie Chaplin, on peut penser aussi à Rudolph Valentino, immense star des années 20, et ce n’est pas un hasard si le personnage Valentin se nomme ainsi. George va sombrer dans l’alcoolisme, fera une dépression et pêtera littéralement un plomb avec la scène des bobines. Ce qui est vrai pour Dujardin est aussi vrai pour Béjo, elle est pétillante et joviale, et on remarque très facilement le parallèle entre le parcours de l’un et le parcours de l’autre. George sera borné pour continuer à faire des long-métrages muets, tandis que Peppy va voire sa carrière monter en flèche. Pour preuve, on a une succession de génériques de début de films dans lesquelles elle joue. Plus les génériques se suivent, plus son nom va monter dans la hiérarchie des rôles. C’est simple mais efficace, pas besoin de faire des trucs ultra compliqués pour nous le faire comprendre. Pour en revenir à Chantons sous la pluie, on peut constater une similitude entre ce film et The Artist par rapport à l’appréhension de passer du silence au sonore, sauf qu’une différence est nette entre les deux puisque Chantons sous la pluie a une atmosphère davantage gaie alors que le film d’Hazanavicius est davantage triste et désagréable. Le film met en avant la culpabilité des patrons du cinéma dans les années 1920 et 1930 (et cette culpabilité pourrait presque nous rappeler celle des producteurs aujourd’hui qui cherchent de moins en moins la qualité artistique (Michael Bay par exemple)). George Valentin symbolise la difficulté pour les acteurs du muet de s’adapter au parlant. La musique est entraînante, elle est à la fois contemporaine aux années 30 et moderne, avec son rythme rapide et se rapprochant des comédies musicales actuelles. Je ne sais pas vous, mais le moment ou le son surgit est presque gênant, pour George Valentin bien sûr, mais aussi pour le spectateur : on ne s’attend pas à cette apparition sonore soudaine et nauséabonde. La mise en scène est certes classique, mais parfaitement réussie et l’intention d’Hazanavicius de vouloir calquer la façon de filmer dans les années 1920 est quasiment respectée, et il ajoute des plans peu conventionnels des années 1920, avec ce qui reste pour moi la scène la plus marquante de l’œuvre, celle de la plume qui tombe et qui émet un son tonitruant, et par la suite on voit George poser ses mains sur ses oreilles, la caméra effectuant un zoom rapide sur son désarroi. Cette belle séquence montre sa non-volonté de jouer dans le sonore.
C’est à coup sûr le meilleur film de Michel Hazanavicius et la meilleure performance de Jean Dujardin. Ce projet fut à la base une sorte de pari, et le challenge fut relevé dignement ! On s’attache au charme des personnages et ce long-métrage ne manque pas de poésie. Le film n’a pas défaut alors ? En fait, le problème de la parodie ou de l’hommage, ça revoit forcément quelque chose qui a déjà existé, c’est aussi comme si une équipe de football gagnait sur le score minimum de 1 à 0. Ca suffit pour gagner, mais il n’y a pas eu de prises de risques. Donc oui, The Artist est bien, mais ça ne crie pas l’excellentissime.
Je recommande fortement ce film car il s’agit d’une curiosité, un modèle de réalisation qu’on pourrait presque qualifié de basique parfois mais qui pose les bases pour quelqu’un qui chercherait à diriger des scènes dans une pièce et un endroit disons « fermé ». La direction artistique est maitrisée, et l’exemple le plus parlant est la scène finale, celle ou on voit Dujardin et Béjo danser. On n’oubliera pas non plus une autre scène, celle ou le chien effectue les mêmes mouvements de tête que Dujardin. C’est fou de voire que ce chien joue mieux que Dany Boon. On remarque l’évolution qu’a apportée le son dans le cinéma, dans le positif et le négatif, Michel Hazanavicius a réussi à mettre en place cette idée d’hommage et de nostalgie, et c’est une preuve de son talent de cinéaste. Et pour cette raison, il faut regarder The Artist.