Ce bon vieux cher Buke qui adorait le premier long-métrage de Lynch (qu’il qualifie de son film favoris) disait à propos de " Eraserhead " dans son roman " Au Sud de nulle part " édition Les Cahiers Rouges 9€ 60 dans votre Fnac : Charles Bukowski :" J’ai regardé ce film, ensuite j’ai eu une éruption de furoncle sur le cul", à moins que ce soit : " J’ai regardé ce film, je me suis levé, j’ai été aux toilettes et j’ai chié ". Ce sont d’authentiques paroles, même si je doute de la véracité du contexte. Ayant appris que ce film était le fim préféré de Hank, je ne pouvais que le regarder le plus vite possible, et appréciant fortement les univers tordus et machiavéliques de Lynch, je me suis demandé combien de temps encore j’allais rester con et ne pas regarder ce film. Alors me voici devant " Eraserhead " , l’homme à la tête de gomme, et c’est parti pour un énième séjour dans l’inconnu et le bizarre mené par Dave (nous sommes très intimes).
C’est l’histoire d’un mec, il s’appelle Henry et passe le plus clair de son lamentable temps à balader dans les rues désertes et ravagées qui composent son monde. Henry est quelqu’un de lunatique, mais lorsque belle maman et beau papa l’invitent à un dîner, pas question de refuser. Henry a en effet tringlé la belle Mary et elle est enceinte. Diable ! La vie d’Henry se retrouve bousculée, à lui les changements de couche, à lui les murs recouverts de merde, à lui les réveils en plein milieu de la nuit et surtout à lui la poitrine doublée de volume. Sauf que, il faut le reconnaître, le nouveau né à un léger problème, il a une gueule de verre de terre, loin du portrait de son père.
Du coup Henry fait des cauchemars, il se tape sa voisine, il entre dans un radiateur, il chante avec Marilyn Monroe, sa tête tombe, sa plante saigne, sa tête sert de gomme, il taille son bébé, son bébé mousse, Henry retrouve Monroe et l’enlace la nuque. (et non pas…)
Ce film est un véritable OFNI, David Lynch nous fait visiter son cerveau de dégénéré en moins d’une heure trente et le voyage est loin d’être décevant. Ce film c’est l’interprétation à l’état pur, personne ne pourra voir et comprendre les mêmes choses et ça par la maîtrise parfaite du réalisateur. Des théories à la con, on peut en voir sur tous les sites et je ne voudrais pas en ajouter une de plus, mais que dire ? "C’est une évidence même, le réalisateur aviné nous délivre un long-métrage méphitique et insane sur l’Homme et ses responsabilités au sein d’une société devenue apathique. Monsieur Lynch tente de nous baratter les hémisphères avec des personnages exsangues au bord de la prostration et alors qu’il aurait pu nous servir un court métrage laconique, il préfère rallonger pour en faire un film qui se révèle être une véritable pantalonnade. De quoi traite t-il ? Et bien je dirais tout simplement de l’Euthanasie des pauvres enfants vétustes de naissance, Monsieur Henry et Madame Mary ne supportant pas d’avoir fait un enfant différent et s’évadant soit par les rêves pour le père, soit pour de vrai pour la mère"
"Eraserhead" est une question d’interprétation, tout simplement. Et Lynch se garde bien de nous donner la sienne. Le Macho de première pourrait dire que ce film a pour sujet l’infidélité, que quand on se fait tirer par un vers, l’enfant est tout cassé et qu’il est « différent », et que Henry fait bien de se taper sa voisine, après tout ça fait un partout. Pour les amies féministes, ce film est tout simplement un film de cul où l’on voit une giclée s’écraser sur le radiateur et que la femme est soit vielle et lobotomisée, soit autoritaire, soit mal formée, soit complètement conne alors que l’homme est au centre de l’intrigue et de l’intérêt, encore une injustice ! Puis il y aura aussi ceux qui penseront que ce film est une propagande religieuse, que lorsque la chair se rencontre pour le plaisir charnel avant l’unification par Dieu, l’enfant ne peut être aimé par le Tout Puissant, et le Paradis dans le radiateur est inaccessible pour les pécheurs. (Des conneries de ce genre j’en ai un paquet
Mais laisser le spectateur le choix de l’interprétation, est-ce bien raisonnable ? (dixit Desproges). C’est ce que les spectateurs lambda qui regardent un film seulement pour se divertir peuvent penser. Mais quand on est de ce genre, en général on est assez inculte pour ne pas connaître des noms comme Lynch ou Kubrick. Eraserhead, c’est une traversée dans un monde différent. Il faut sans doute le voir seul et avoir les yeux rivés sur l’écran avec le son à fond les ballons pour s’imprégner un maximum de l’ambiance, parce que niveau ambiance, Lynch n’aurait pas pu faire mieux. Ce film est soit comique, soit horriblement malsain, ou les deux, et c’est pour ça qu’il exige une concentration énorme, mais quelque soit l’interprétation, comme dirait Louis XVI, ce film vous fera perdre la tête. Il est sûr qu’au début on se demande où l’on est, et il faut sans doute le regarder plusieurs fois et lire différentes interprétations pour réfléchir sur le film et se faire la sienne. Personnellement, j’ai l’impression que Dave m’a encore pénétré (Comme je l’ai dis, nous sommes très intimes).
Malgré son rythme lent qui en barbera sans doute quelques uns, j’ai mis cette note parce que pour ceux qui aiment le Lynchien, il n’aurait pas pu faire des débuts plus excitants et brillants. Aujourd’hui c’est un petit coup de cœur et c’est peut-être son meilleur film. Cela dit il manque un petit truc pour moi, c’est de la longueur. J’aimerai voir la version longue pour savoir s’il est possible d’en comprendre davantage.
Bon Film :)