Film-poésie noire visuelle et sonore, Eraserhead est une expérience lente, angoissante et insensée qui ne ménage pas le spectateur non-averti. Il n’y a pas vraiment de violence mais une ambiance lourde, de longues scènes en noir et blanc, une bande son plutôt bruitiste, dans un univers qui présage des futurs films du réalisateur, bien que plus onirique et minimaliste, avec aussi moins de moyens.
•L’histoire
Il est difficile de parler d’histoire ici. Comme à l’habitude de David Lynch, ce n’est pas le sens qui est le plus important, même si finalement l’évolution des événements est presque plus facile à suivre dans les grandes lignes que dans un Lost Highway ou un Mulholland Drive.
Un homme vit seul dans un petit appartement près d’une usine. Il est amoureux d’une femme qui l’invite à dîner chez ses parents, mais durant ce dîner il apprend que la femme est enceinte, et qu’il doit l’épouser. Tout cela serait pour le mieux s’il n’y avait pas ce bébé plus qu’étrange, face auquel on ne sait pas vraiment quoi faire. Quand la mère part, trop agacée par les pleurs de ce petit monstrueux, le « papa » se retrouve face à ses peurs et à ses espoirs qui se concrétisent dans des scènes de rêves absurdes et fantastiques, dans lesquelles il rencontre des femmes hors normes pleines de promesses et de menaces.
•Ce n'est que mon avis
Nous avons eu la chance de voir Eraserhead au cinéma suite à sa restauration. Je n’avais jamais vu ce film, le premier de David Lynch, et c’est vrai qu’il représente une bonne introduction à son œuvre future. Assez simple et avec peu de personnages (c’est presque entièrement un huit-clos entre l’homme et son bébé dans leur minuscule appartement, à part la scène de repas au début et les échappées fantasmatiques du personnage), il est très contemplatif, et on retrouve ces éléments surréalistes et totalement gratuits qui créent l’ambiance à la fois drôle et profondément dérangeante qui fait la pâte du réalisateur. Il y a :
de minuscules poulets rôtis qui s’agitent en crachant du sang, un père de famille qui reste figé avec un large sourire alors que tout le monde autour pleure et s’agite, une entreprise qui fait des gommes avec le cerveau d’une tête trouvée dans la rue (d’où le titre du film), ou encore une femme aux joues de hamster qui ecrase des fœtus en souriant et en chantant
« in heaven everything is fine » (chanson qui sera reprise par les pixies).
J’ai notamment beaucoup apprécié l’utilisation de la marionnette – bébé, ayant un faible pour les marionnettes en général, qui apportent souvent une magie inattendue. Dans ce film elle réussit à être parfois attachante et souvent concrètement hideuse.
Les effets visuels comme sonores ont tendance à maltraiter à dessein le spectateur : bruits lancinants ou stridents presque industriels d’appareils électroménagers ou de la ville, transitions instantanées entre des décors obscurs et des écrans d’un blanc aveuglant (surtout au cinéma, ça fait mal aux yeux !).
A voir en prenant son temps, si on est un peu maso, et si on apprécie déjà le réalisateur, le cinéma expérimental, l’expressionnisme ou encore les radiateurs.
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