«Eraserhead» (USA, 1977) : David Lynch nous parle de nos peurs, de celles non-empiriques, inventées fabuleusement par notre rapport inquiet au monde. Il nous parle aussi de la paternité, avec une étrangeté fictionnelle puisqu'en réalité il n'y a a priori rien d'étrange à être père, bien au contraire. Mais Lynch, lui-même père, partage son inquiétude. On ressort traumatisé de ce film, particulièrement par la séquence ultime, tout aussi insaisissable que les autres mais nettement plus violente. Car dès sa première oeuvre, Lynch créé sa violence, pas celle gratuite et qui ne joue que sur les corps mais celle qui joue sur la morale et la psyché. Ainsi, torturé, amusé, fasciné, notre esprit pénètre «Eraserhead» autant qu'«Eraserhead» nous pénètre. L'image n'est pas en noir et blanc, elle se compose majoritairement du noir, du gris et de leur dérivés. Le blanc apparent ne sert qu'a agencer le sombre, qu'a lui donner plus de valeur. Si les jeux de Jack/John Nance et de Charlotte Stewart sont fabuleux, surtout grâce à la désormais renommé direction d'acteurs de Lynch, le personnage le plus fascinant du film demeure l'enfant-foetus. Ebloui par la magnifique facture de la chose, c'est cet enfant qui participe principalement à la maestria sensationnelle du film. Ce premier long-métrage signé David Lynch est en fait une oeuvre insondable, de celle qui n'appartiennent véritablement qu'à son auteur. L'opacité de son récit fascine à l'extrême autant qu'elle en repoussera. Doté d'une plastique esthétique extra-ordinaire et d'une singularité inouïe mais aussi véritablement expressive, le film est le plus fidèle exemple des origines plasticiennes de Lynch. Chef d'oeuvre qui touche de très prés à la perfection cinématographique, «Eraserhead» n'a pas d'égal dans l'oeuvre de Lynch ( y compris «INLAND EMPIRE» ), son humour particulier et son esthétique lynchéenne glane l'essence de l'art du cinéma, du lien image-son et de l'expression d'auteurs.