Il existe au sein des sociétés des stages qui enseignent aux managers des techniques pour détruire le salarié. Cadres, gestionnaires de patrimoine ou techniciens, les procédés sont tous les mêmes : la pression, le discrédit, l’isolement… Darroussin est génial dans le rôle de Paul, cadre compétent et intègre, qu’on fait passer pour un mauvais du jour au lendemain, point de départ d'une longue descente aux enfers.
Paul se souvient de façon non chronologique, par flashbacks, des différents moments de bonheur et de rupture (familiaux et professionnels) de toute une existence. Cela donne à la fois un sentiment de confusion et celui d’une évidence tout à coup retrouvée à travers ces tranches de vie... Paul n'est peut être pas devenu ce qu'il aurait voulu être.. Il le dit : "je ne reconnais pas cet homme". En effet, qu'est-ce que la vie sinon faire comme tout le monde pour essayer d'être heureux. Le travail occupe une trop grande place, et finit par broyer nos vies, nous faisant perdre de vue nos désirs les plus profonds qu'il est déjà trop tard pour réaliser.. Les séances chez le psy de la société sont éloquentes, et ce que confesse Paul est d’une profonde honnêteté.. Pourtant ce "professionnel" qui l’écoute, garant de la santé mentale, ne veut y voir que ce qui l’arrange.. Un conseil, n’allez jamais voir un psy payé par votre boîte !
La mise en scène récurrente du corps meurtri et affaissé de Paul souligne ce qu’il ne peut exprimer en pleurant : la souffrance ! Voilà ce qu’est devenu le travail aujourd’hui : une résistance physique et morale.
Tout est dans ce film d’une grande sobriété, rien n’est sur-joué. Je pense avoir tout vu (films et documentaires) sur le sujet du harcèlement au travail, et ce film est au moins tout aussi bon que les autres.
Le plus triste est de voir que rien ne change, au contraire.. les équipes managériales continuent de peaufiner leurs stratégies de destruction dans l'indifférence générale. En effet, puisque rien n’est fait pour stopper les bourreaux, logique qu’il y ait un tribunal du peuple qui là, se constitue en la seule personne de la victime, Paul ! La seule peine possible, la peine de mort ! La généralisation et la banalisation des techniques cautionnées aussi par les services médicaux internes (avec ici, un psy qui va très certainement témoigner pour dire que le salarié était dérangé !) vont de plus en plus induire ce genre de drame social : des suicides doublés de meurtres.. Sinon, qui punira les coupables ? Mais il y en a déjà d'autres, prêts à prendre la relève et ça fait froid dans le dos !
Ce film est d'utilité publique car il avertit. Il est froid, noir, fataliste comme le monde du travail ! De là à dire qu'il n'y a pas d'émotion dans ce film, NON ! Faut t-il encore avoir suffisamment de sensibilité pour ressentir le genre d'émotions dont il est question.. où peut être ce film résonne t-il plus douloureusement en moi car j'ai moi aussi vécu le harcèlement..