Voilà une évolution de carrière étonnante de la part de M. Night Shyamalan. Il lui a donc fallu presque vingt ans pour digérer le succès de son premier film et arrêter d’en poursuivre l’ombre presque stérilement. Avec ce « The Visit », la mue semble désormais totalement accomplie. Finie la poursuite de ses chimères anciennes, désormais, depuis deux ou trois films, Shyamalan est davantage devenu un réalisateur dans le rang, parfois réalisateur de commande, qui s’efforce juste de respecter les codes en vigueur, mais de les respecter avec une certaine maîtrise formelle. Alors certes, d’un côté je regrette ce jeune ambitieux qui tentait beaucoup, même s’il échouait souvent. Néanmoins – et ce « The Visit » me le confirme – ce Shyamalan davantage assagi parvient à agencer un film qui n’a certes rien d’original, mais qui a le mérite de fonctionner très bien. Parce que oui, je dois bien l’avouer, quand j’ai compris que j’allais assister à un film d’épouvante en format found footage, sur le coup j’ai été vite refroidi par ce manque d’ambition. Et pourtant, assez rapidement, je me suis laissé prendre. Même si le spectacle est convenu et connu, Shyamalan s’efforce d’exprimer sa sensibilité dans tous ces petits détails qui font parfois la différence. Premier atout incontestable : la mesure. La réalisation n’en fait pas trop. Elle mesure ses effets et sait faire preuve de gradation dans son effroi. Et si Shyamalan peut se permettre d’en garder sous le coude en terme d’épouvante, c’est parce qu’il a su miser sur un deuxième atout qui manque souvent à ces films de genre. Pour le coup, ce « The Visit » dispose de personnages assez originaux et attachants. Moi qui déteste d’habitude les personnages d’enfants et d’ados dans ce genre de films tant ils sont fades et caricaturaux, là pour le coup j’ai été séduit. Loin des poncifs des pauvres êtres chétifs et têtes à claques qu’on voit habituellement, les personnages de Becca et Tyler ne s’apitoient jamais sur leur sort et s’efforcent de s’épanouir et de s’exprimer quelque soit la situation. Et cet atout est d’autant plus avantageux pour le film que cela permet à Shyamalan de jouer d’astuces et d’humour face aux moments de tensions. Après, sur le plan du found footage, le Philadelphien se montre moins inspiré, n’exploitant pas pleinement les possibilités qu’offrent le déroulement de l’intrigue. D’ailleurs, au fond, le film ne génère pas tant que cela d’angoisse. Mais est-ce véritablement un souci. Après coup, je me dis que ce « Visit » fonctionne un petit peu comme un « Massacre à la tronçonneuse » : les codes sont connus, on s’en amuse régulièrement, et en fin de compte ce qui a plu fut davantage les personnages et l’ambiance de gros rustauds campagnards que l’épouvante en elle-même. Pour le coup c’est mission réussie je trouve. Même si le film ne m’a pas transcendé, au moins, dans son genre, je l’ai trouvé abouti. Il m’a plu, et pour un film de Shyamalan, c’est déjà un bel acquis.