Qui aurait parié sur la mise en chantier d’une suite au petit bijou de Carpenter… qui plus est près de 30 ans après sa sortie ? Pas grand monde et c’est sans doute la raison pour laquelle les opportuns producteurs qui se sont emparé du projet ont eu l’idée ingénieuse (et tellement à la mode ces derniers temps à Hollywood) de se concentrer sur un préquel. L’idée était, d’ailleurs, plutôt séduisante puisque "The Thing" version 1982 commençait sur un excellent générique qui voyait
un chien courir sur la banquise, poursuivi par un hélicoptère norvégien voulant le tuer et dont on apprendra, plus tard, qu’il était porteur de la Chose qui causera tant de problèmes à McReady et sa bande
. Les fans du film (dont je fais partie) pouvaient, donc, se frotter les mains à l’idée de découvrir ce qui s’est passé dans
la fameuse base norvégienne dont Carpenter ne montrait que les cendres et les cadavres
. Malheureusement, la déception est à la hauteur de l’attente suscitée. Pour faire simple, ce préquel rate à peu près tout ce qu’il pouvait rater. Tout d’abord, et c’était déjà mauvais signe, le titre est totalement stupide puisque, alors qu’il ne s’agit pas d’un remake, les producteurs ont trouvé malin de l’appeler "The Thing" sans le moindre sous-titre du genre "Au commencement", "Les origines" ou encore "Norway massacre"… bref, n’importe quoi qui indiquerait qu’on se trouve avant le film de Carpenter ! Il s’agit, certes, d’un détail… mais il va s’avérer révélateur des motivations de l’entreprise et de son monumental raté ! Car on s’aperçoit rapidement que le concept de préquel est un vaste fumisterie et qu’il s’agit, en fait, d’un remake qui refuse de se l’avouer. On retrouve, ainsi, un scénario pompé sur le film de Carpenter, avec la base isolée, le groupe de scientifiques, l’apparition de la Chose, les morts successives… le tout privé, bien évidemment, de l’effet de surprise mais, également, des effets spéciaux animatroniques qui ont fait la renommée de "The Thing" et à qui ont a préféré, ici, des images de synthèse épouvantables. L’escroquerie va même plus loin puisque les scénaristes ont visiblement considéré que les spectateurs avaient oublié le film de Carpenter et ont, ainsi, recyclé grossièrement les principaux arcs narratifs de son scénario (
l’ambiance parano où tout le monde est suspect, l’isolement…
), les plans iconographiques de sa mise en scène (
les corps qui se déforment, les cadavres calcinés dans la neige…
) et, pire encore, certaines séquences cultes (
la cabale contre le pilote d’hélicoptère McReady remplacée par la cabale contre le pilote d’hélicoptère Carter, le test du sang pour révéler la présence de la Chose remplacé par le test des plombages, la discussion finale entre les deux survivants dont l’un s’avère infecté…
). "The Thing" version 2011 est, donc, une invraisemblable resucée de "The Thing" version 1982, qui ne se risque pas à la moindre prise de distance ou à la moindre originalité avec son modèle. Il y avait pourtant la place de faire quelque chose de nouveau et, surtout, de venir apporter des réponses un peu plus audacieuses aux questions posées par le film de Carpenter. J’aurai, ainsi, aimé que les scénaristes se montrent un peu plus dramatiques, voire radicaux
en faisant, par exemple, porter la responsabilité du massacre à venir aux humains, qui ne sont, ici, que de la viande pour alien inerte
. Le nouveau" The Thing" se vautre, ainsi, dans le piège qu’avait su éviter son aîné, c'est-à-dire celui du survival déshumanisé et sans aspérité. Et ce ne sont pas les personnages qui viennent arranger les choses puisqu’ils sont tous plus apathiques les uns que les autres, et ce malgré le casting pas si dégueulasse que ça qui avait été réuni (Mary Elizabeth Winstead en fade scientifique, Joel Edgerton en successeur désigné de Kurt Russell mais sans le charisme, Ulrich Thomsen en patron cachottier, Eric Christian Olsen en assistant invraisemblable…). On passera, d’ailleurs, sous silence le réflexe tellement mercantile qui a poussé les producteurs à mettre en avant des personnages américains alors qu’on est censé se trouver dans une base norvégienne…
et qui ont poussé le vice jusqu’à les préserver jusqu’au bout (enfin presque)
! Le raté est tellement patent qu’on ne fait même plus attention à l’absence totale de soin apporté à la reconstitution de l’époque puisque rien ne rappelle les années 80 (de sorte que le film pourrait tout aussi bien se passer aujourd’hui). "The Thing" version 2011 a, néanmoins, deux intérêts : son générique de début (parce qu’il permet d’entendre, à nouveau, l’excellent score d’Ennio Morriconne) et son générique de fin (pour le même raison mais, également,
parce qu’il reprend la scène d’intro du film de Carpenter
). C’est dire l’étendue des dégâts. Reste que ceux qui n’ont pas vu "The Thing" version 1982 pourront toujours trouver le spectacle supportable… les malheureux !