Cette année, mon duel « Evasion »/ « The equalizer » n’aura pas eu lieu. « Evasion » aura ainsi donc marqué, avec « Les ailes de l’enfer », l’action des fêtes de Pâques.
Pour continuer sur mai, le 69ème Festival de Cannes a ouvert ses portes le 11 mai avec le nouveau Woody Allen : « Cafe society ». Et juste avant, de découvrir un improbable Laurent Laffite en maître de cérémonie surbooké. En ce 13 mai 2016, mon cycle Cannes s’est ouvert hier soir par « Le troisième homme » de Carol Reed. Mon festival cannois de palmés est également composé de : « Othello », la pièce de théâtre mise en scène par Orson Welles, « Apocalypse now », dont je fournirai un commentaire plus long que ma critique, « Paris, Texas » de Wim Wenders, « Sailor et Lula » (pour me refaire une idée dix ans après un premier visionnage ; critique déjà mise en ligne), et se terminera par « Le pianiste » (critique également déjà réalisée), œuvre tout en douceur de Roman Polanski.
Mais reconcentrons nous sur « Le troisième homme ».
Synopsis : Holly, un écrivain américain en bout de course, arrive dans le Vienne de l’après-guerre pour rencontrer Harry, un ami qui a prétendument été tué écrasé par une voiture. Holly va mener son enquête.
Scénario au diapason pour Graham Greene qui adapte au cinéma son propre roman dont il écrit le script au fur et à mesure des idées de Reed et d’Orson Welles. La collaboration Greene/Reed a débuté sur « Première désillusion » et se terminera par « Notre agent à La Havane » se concrétisant en trois films sur 12 ans. Durant « Le troisième homme », l’écriture filmique est audacieuse et des idées de réalisation permettent une fluidité scénaristique et de montage sans équivoque. Idées qui seront reprises par la suite avec le génie en moins. De plus, les rumeurs ne font qu’accentuer la légende selon laquelle Orson Welles aurait réalisé le métrage. Si Maître Orson avouera plus tard ne jamais avoir touché la caméra du metteur en scène, Carol Reed s’est sans aucun doute inspiré de la patte du réalisateur de « Citizen Kane » à cause des angles inclinés à la Orson.
Toujours pour parler scénario, Carol Reed a imprégné au « Troisième homme » une épaisseur psychologique intelligente en ne montrant jamais la figure d’Harry (Welles). En cela, et en imprégnant les codes du film noir américain (suspense ou tension nerveuse à son comble, complets gris pour les personnages, magnificence du N&B en des jeux de lumière et d’ombres portées signés Robert Krasker (Visconti l’avait engagé pour « Senso »)…), le futur réalisateur de la comédie musicale « Oliver » dessine un métrage anglais calibré pour faire face au « Faucon maltais », « Grand sommeil » ou « Key Largo ». Un atout kitsch et charmeur.
Une autre raison d’inscrire « Le troisième homme » dans la lignée des plus grands films noir d’époque, c’est grâce à la musique d’Anton Karas qui, grâce à une cithare, nous joue un morceau électriquement intense, nous embaumant dans l’histoire qu’on ne perd pas d’un fil. Parfois mirobolante, parfois inquiétante et lugubre, la partition d’Anton sert admirablement une Vienne désolée et dévastée par la guerre. Aujourd’hui culte pour n’importe quel amateur de cinéma, l’unique composition d’Anton Karas pour le cinéma est ainsi rentré dans les annales. Magnifique !
Si l’on se rapproche du casting, on tutoie l’excellence.
Orson Welles, dans la peau d’Harry, porte à lui seul l’intérêt général du film. Trois scènes-clés, trois partitions mémorables ! Sa première apparition lumineuse (sous la véranda), sa discussion avec son ami Holly dans la grande roue et la course-poursuite finale dans les égouts de Vienne font de ces moments intenses nerveusement le clou du spectacle. D’autant qu’il est uniquement présent pour financer un de ses projets (« Othello ») !! Ou quand Welles nous prouve qu’on peut s’investir sans être présent longtemps sur un tournage. Coup de maître !!!
A ses côtés, son ami de toujours et efficace Joseph Cotten (« L’ombre d’un doute », « Duel au soleil ») dans le rôle d’Holly l’enquêteur, et la sensuelle Alida Valli (« Œdipe roi », « Les yeux sans visage »).
Pour conclure, « The third man » (1949) a acquis une renommée mondiale grâce à Cannes (il a remporté le Grand Prix la même année et un Oscar pour Krasker en 1951) et reste encore aujourd’hui un monument de genre. Un film noir mythique pour un classique du cinéma.
Spectateurs, citizen ! 2 étoiles sur 4.
Notes : Guy Hamilton, le futur réalisateur de « Goldfinger » et de « La bataille d’Angleterre », est assistant-réalisateur ; le poids lourd américain David O. Selznick, porteur de projet de « Gone with the wind », est associé à Alexandre Korda, producteur anglais reconnu par ses pairs (« Jeux dangereux », « Les quatre plumes blanches »).