Particulièrement casse-gueule, cette mise en image d'une affaire connue de tous, d'une erreur judiciaire criante, d'une illustration presque trop parfaite du racisme ordinaire, Omar m'a tuer pouvait aussi bien sombrer dans le réquisitoire lourdingue à la Boisset que dans le mélo hollywoodien. Le grand mérite de Roschdy Zem est d'avoir réussi à éviter l'un et l'autre. En centrant son film le portrait d'un homme digne en contrepoint d'une société du paraître où même l'écrivain-enquêteur n'est qu'un fat, il met l'humain au cœur de l'histoire. Habilement construit, faisant se succéder de courtes scènes qui se répondent à plusieurs années d'intervalle, il évite de sombrer dans le pathos. Si l'émotion est souvent présente, on ne s'y attarde pas. Au centre du film se trouve Sami Bouajila. On oublie vite la "performance" à l'américaine (amaigrissement, coiffure, accent, etc) pour découvrir un jeu tout en profondeur, pudique, subtil et respectueux. Le regard de Bouajila, les expressions de son visage, ses quelques pleurs, l'absence d'esbroufe de son interprétation forcent le respect. En parallèle, Denis Podalydès campe avec talent un clone de Jean-Marie Rouart très parisien, presque grotesque. C'est aussi le mérite de Zem de ne pas faire un film de héros. L'écrivain et sa secrétaire (excellente Salomé Stévenin), Vergès (très bon Maurice Bénichou) connaissent le point des mots, la valeur de l'image, alors qu'Omar parle à peine français. La suffisance des premiers s'oppose alors à la naïveté de l'autre. Côté mise en scène, on sent chez Roschy Zem des désirs de cinéma. Il tente quelques trucs, ça ne marche pas forcément, mais la démarche est sincère. Pour le reste, il mise à bon escient sur la sobriété. Si Omar m'a tuer n'est pas un Grand film, il n'en demeure pas moins habile, intègre et généreux. On en apprend un peu plus sur les erreurs de l'instruction, la surdité d'une justice qui refuse de revenir sur elle-même, l'intolérable traitement de ceux qui ne sont rien... jusqu'à l'absurdité ultime : sorti de prison en 1998 (mais juste gracié), Omar le jardinier n'a toujours pas le droit d'exercer sa profession.