Pour ce film au titre surprenant, John Frankenheimer a réuni un casting de prestige pour mettre en scène 5 mercenaires plus une femme en vue d’accomplir une mystérieuse opération. Le premier à apparaître à l’écran est Robert De Niro ("Heat") en train de prendre toutes ses précautions pour entrer dans un bar où les regards en chien de faïence sont rois. Dans ce bar, se trouvent Jean Reno ("Léon") qui vient d’arriver et qui a l’air de se demander non sans inquiétude ce qui l’attend, Skipp Sudduth (que nous avons aperçu dans "L’effaceur" alors qu’il est plutôt spécialisé dans les séries notamment "New York 911") qui brave l’interdiction de fumer pourtant bien visible, Sean Bean ("Benjamin Gates et le trésor des templiers") en mode arrogant de crânerie, Natascha McElhone ("The Truman show") qui apparait en chef d’orchestre derrière le comptoir, et Stellan Skarsgård ("A la poursuite d’Octobre Rouge") un tantinet nerveux. En somme, que des acteurs ayant à leur actif au moins un grand film, tout du moins un film ayant eu un grand succès commercial. Dans cette même caractéristique, viennent ensuite s’ajouter Jonathan Pryce (saga "Pirates des Caraïbes"), Michael Lonsdale ("Le nom de la rose") par qui le lien avec le titre sera établi, et Féodor Atkine ("Les uns et les autres"). Nous sommes à Paris, au sein d’une de ces nombreuses ruelles tranquilles dont l’étroitesse accentue la pénombre du crépuscule, pas toujours rassurante. Encore que la capitale n’a pas été filmée sous son meilleur jour, avec notamment des rues étrangement désertes, que ce soit lors de l’entame, ou de l’échappée après une délicate transaction avec des trafiquants d’armes. C’est dans une ambiance lourde de suspicion que le spectateur est invité à suivre des hommes visiblement loin d’être des enfants de chœur. La tension est palpable et suffit à elle seule à accrocher toute l’attention du spectateur, quoique la partition d’Elia Cmiral participe largement aussi à la mise en place de cette ambiance. Qui sont ces gens ? Eux le savent. Que font-ils ? Ils ne le savent pas encore. Juste qu’un homme en fauteuil roulant les a convoqués là. Mais qui est-il ? Seule la question de ce pour quoi ils sont venus va être révélée. Mais qu’y-a-t-il dans l’objet de leur mission ? Bien que la question soit nommément posée à plusieurs reprises par le plus futé de tous, elle reste sans réponse. Comme beaucoup d’autres. C’est ce qui caractérise ce film : les questions sont là, et attendent vainement des réponses. Ainsi le spectateur est placé au même niveau que les mercenaires, le risque et les flingues en moins. C’est astucieux. Qu’importe, il devrait en toute logique être mis au parfum tôt ou tard. S’ensuit des courses-poursuites de dingue, en voiture ou à pied, au cours desquelles nous visitons pied au plancher les villes de Paris, Arles, en passant par Nice. En parlant de Nice, une scène se passe au Palace le Majestic. Or, ce prestigieux établissement se trouve à Cannes… Oups ! Mais est-ce vraiment important ? S’il n’y avait que cette erreur, je serai tenté de dire non. La séquence tournée dans les arènes : oui ben elles ne ressemblent pas à celles de Nice !… Les plus tâtillons auront remarqué ces erreurs. Bref, passons, parce que dans le déroulement de l'histoire, ça passe inaperçu. Studio Magazine disait que les courses-poursuites de "Ronin" font passer "Bullitt" pour de la rigolade. C’est un peu exagéré. Certes la course-poursuite niçoise est impressionnante, mais elle n’a pas grand chose à envier à celle de "Bullitt". Après tout, nous devons les courses-poursuites au célèbre film de Peter Yates ! Bénéficiant de l’avancée des techniques, elle apparait même comme un héritage. La dernière n’est pas mal non plus, mais alors que je m’interrogeai sur le fait qu’il n’y avait pas grand monde qui semblait broncher face aux deux véhicules roulant à contre-sens (feux éteints dans le tunnel, pas un coup de frein… normal, quoi !), c’est là que les accidents se multiplient. Ce n’était pas trop tôt ! On frisait le ridicule de la non-crédibilité. En dehors de ça, le rythme est parfaitement tenu par le mystère, les méfiances que chacun se témoignent, et par cette course au Graal effrénée. Mais l’intrigue ne se résume pas à ce fichu objet tant convoité. Enfin si. C’est juste qu’il fait des envieux. Tellement d’envieux qu’il provoque une étourdissante envolée des prix, et que tous les moyens sont bons pour l’obtenir. Ainsi des sous-intrigues se dessinent pour graviter autour de mystérieux contenant au mystérieux contenu. D’où les diverses manipulations, les courses-poursuites et fusillades. Ces dernières sont clairement ratées. Et si je puis l’affirmer, c’est parce que j’ai le DVD avec un son en 5.1. En effet, elles manquent de mordant acoustiquement parlant. Du coup, elles n’ont pas le côté épique qu’elles auraient dû avoir et de ce fait, le spectateur les vit presque sans aucun état d’âme, sans être vraiment dedans. Les acteurs font tous pourtant le boulot, et proprement en plus. Mais la mise en œuvre de John Frankenheimer laisse tout de même à désirer pour les raisons évoquées ci-dessus. La volonté de mettre le spectateur au même niveau que les mercenaires est fort louable. Comme eux, nous ne savons que ce qu’ils savent. Comme eux, nous sommes dans le flou. De Niro nous épatera de sa roublardise pour mener à bien la mission sans bobo (notamment lors de la séquence au Majestic), mais aussi de sa ténacité à y mettre un point final là aussi sans dommage. Malgré tous ses défauts, Ronin remplit (et c’est là le principal) son contrat de divertissement en se parant de cette course aux réponses (pour le coup assez originale vu ce que que le spectateur obtient). Tout du moins auprès du spectateur pas trop exigeant. Pour les autres, il sera considéré comme étant médiocre, voire frustrant. Perso, je trouve que ça change, même si j'admets que j'aurai aimé en savoir un peu plus.