Un des problèmes du "Monde de Charlie" est qu'il prend simplement son spectateur pour un abruti, n'hésitant pas à souligner à chaque fois l'évidence, à lui expliquer la simplicité, ou alors -et c'est plus grave, à le manipuler de la plus immonde des manières.
Explicatif, par cette voix-off omniprésente et sans malice du personnage de Lerman (qu'on a tout bonnement envie d'égorger à la fin du film), première personne probablement héritée du roman d'origine. Confusion entre littérature et cinéma donc.
"Le Monde de Charlie" est un film plat, dénué de tout relief et de toute forme de dramaturgie. Heureusement que l'année scolaire (le film suit Charlie de la rentrée aux grandes vacances) est temporellement structurée ! Ici, situation après situation, vacances après vacances et fêtes après fêtes (on se tape Noël et le nouvel An, dépeignant par ailleurs une image de la famille américaine sortie des brochures du Tea Party), les personnages en carton (sauf Ezra "Patrick" Miller et Logan "Charlie" Lerman, soyons généreux) batifolent dans le royaume du kitsch et du rétro, abondamment appuyé par une photographie veloutée et usée. Rien ne se passe dans cette chronique américaniste qui se regarde le nombril. Heureusement que les personnages ne sont pas hostiles et qu'Ezra Miller (le seul a posséder de bons dialogues) est (toujours) intéressant à regarder.
Mélo, fleur bleue et phrases toute faites ("On accepte l'amour qu'on croit mériter", répétée au moins 3 fois dans le film) se succèdent sans la moindre émotion. Car l'émotion est paralysée, annoncée, surlignée par des chansons (la scène du tunnel, avec voix-off et "We can be heroes" de Bowie, déjà deux éléments sonores qui soulignent ce qu'on voit) et des moments clippesques (la scène la plus ridicule reste celle où Watson et Lerman regardent... les étoiles, et où ce dernier s'allongent dans la neige et fait... attention au choc... des ailes d'anges).
Il y a peut-être une scène drôle (bon, disons deux) dans le film. Les élèves du lycée sont tous très caricaturaux (le populaire, la brute, l'intello, le gay marginal, répétant les schémas déjà milles fois vus dans les sitcoms) et ce microcosme si américain nous reste très étranger.
D'une lâcheté sans nom, le dernier quart d'heure du film (où l'on apprend le secret de Charlie) relève de la plus infâme des manipulations et justifie l'heure et demie de platitude qui précède. Cette révélation glauque sort de nulle part et trahit, ce que le spectateur pouvait conclure du passé de Charlie, les éléments disséminés s'y prêtant. "Le Monde de Charlie" s'apparente surtout à monde de l'ennui, où tout est doux, fade et pré-mâché.
Source: Plog Magazine, les Critiques des Ours
http://lescritiquesdesours.blogspot.fr/2013/01/le-monde-de-charlie.html