Après l’échec de La belle et la bête de Christophe Gans, c’est au tour d’un autre conte populaire d’être adapté à l’écran. Cendrillon, conte populaire transcrit par Charles Perrault puis amélioré par les frères Grimm, adapté pour la première par George Méliès en 1899, sera popularisé par les Studios Disney grâce à l’animation en 1950. Soixante-cinq ans après, ces mêmes studios reprennent le flambeau en transposant le conte en prise de vue réelle. Kenneth Branagh introduit davantage de réalisme sans nuire à la magie.
Ella (Lily James), jeune fille insouciante, élevé dans une famille bourgeoise par des parents aimants, perd sa mère. Son père se remarie à Madame Trémaine (Cate Blanchett dont on a parlé pour Monuments Men et Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées), une belle-mère acariâtre n’ayant pour seul but que de placer ses filles, Javotte (Sophie McShera) et Anastasie (Holliday Grainger que l’on a vu dans The Riot Club), auprès d’un riche mari. Lorsque le père (Ben Chaplin) d’Ella décède, elle reste seule avec sa marâtre et ses demi-sœurs qui, peu à peu, lui font mener une vie de plus en plus difficile et la surnomme alors Cendrillon, mélange de cendre et de souillon.
Raconté à la troisième personne par la fée et marraine de Cendrillon (Helena Bonham Carter), Cendrillon reprend dans les grandes lignes le déroulement du conte et des adaptations précédentes. Toutefois, à l’exception de l’intervention de la fée, le film s’inscrit dans un réalisme plus présent. Cendrillon, bien que naturellement courageuse et empathique, ne passe plus son temps à chanter. Les animaux ne parlent pas non plus. Ainsi, Cendrillon élève bien des souris, mais elles ne l’aident pas à confectionner sa robe. Elles ne sont qu’une compagnie réconfortante pour une âme bien seule. Cendrillon n’en reste pas moins capable de s’étonner de peu et de se contenter, de manière humble, du minimum. Moralisant le petit peuple auquel on dit, dans Cendrillon, de se satisfaire de ce qu’il a et de ne pas chercher à s’élever, d’attendre sagement un signe de la destinée qui pour le plus grand nombre ne viendra jamais, le conte, désagréable sur cet aspect, n’en reste pas moins également une sage leçon d’émerveillement au quotidien. Pour une Cendrillon au destin princier, combien de souillons le resteront ? Peu importe notre condition, il est néanmoins essentiel de cueillir le jour. Rajoutons que le thème du conte originel reste présent en filigrane et continuer de promouvoir une morale d’un autre temps. À savoir que toutes les femmes du conte, la marâtre, Cendrillon et ses sœurs n’envisagent et ne cherche l’avenir que dans la dépendance d’un homme.
L’adaptation de Branagh adopte une direction artistique amenant une esthétique très agréable et rappelant les tableaux de Johannes Vermeer. Dans sa cuisine, seule, se tuant à la tâche, Cendrillon, dans les costumes imaginés par Sandy Powell, rappelle parfois la laitière du peintre néerlandais. Les accoutrements des deux sœurs donnent l’impression d’être de grande coutures tout en étant finalement assez laids. Après tout, c’est l’apanage de la mode de vendre du moche très chère. N’est-ce pas Louis Vutton ? Au contraire, dans ses habits plus simples ou dans sa robe de bal classique, Cendrillon étincelle. À l’élégance, Cendrillon adjoint également une émotion que l’on aurait pu croire perdue derrière un écran de sensiblerie et de niaiserie. Il n’en est rien. À notre grand surprise, Cendrillon porte quelques scènes émouvantes sans fioritures inutiles. Ni Lily James ni Richard Madden (alias Kit le Prince Charmant et surtout Robb Stark dans Game Of Thrones) n’ont besoin de surjouer pour rajouter à l’émotion sincère qui se dégage lorsque la vie rend enfin justice à la bonté de la belle. Même si, on le répète, l’histoire de Cendrillon idéalise une vision de la vie où le bien engendre le bien, parfois, cela fait du bien, justement, de vivre un conte de fée et de se laisser porter par un monde où tout finit bien.
Artistique et sensible, Cendrillon version vingt-et-unième siècle, offre un casting à l’investissement irréprochable. Branagh offre une adaptation réussie ne faisant pas doublon avec l’animation des années cinquante et nous offrons à nouveau, un bon moment magique à passer en famille.
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