A entendre un réalisateur tel que François Truffaut concéder quil échangerait lensemble de sa filmographie contre celui-ci, tout cinéphage se doit de connaître ces Enfants du Paradis. Bien sûr, notre désavantage actuel est de savoir demblée quil figure au panthéon du septième art français, et que lon hésiterait donc plus volontiers à lui trouver un quelconque défaut. Néanmoins, en connaissant uniquement lhistoire qui règne autour de ce chef-duvre (je me vend déjà, car cen est bien un), on peut déjà saisir une partie de son ampleur.
Son contexte historique dabord, puisquil reconstitue fidèlement la vie parisienne du début du XIXème, et quil fut tourné durant loccupation allemande, avant dêtre bouclé à la Libération. Son contexte sociologique ensuite, mêlant volontiers riches et pauvres, contes aristocratiques et funambules de la rue. Voire son contexte cinématographique, puisquil est réalisé par un immense réalisateur, Marcel Carné (Quai des Brumes), et brillamment (le mot est faible) interprété par le gratin de lépoque, à savoir Arletty, Jean-Louis Barrault, et le plus talentueux des Brasseur, Pierre.
Pour lanecdote encore, rappelons que Robert Le Vigan fut ôté du casting pour sa collaboration allemande, que le musicien du film, Joseph Kosma, et le décorateur, Alexandre Trauner, ne figurent même pas au générique à cause de leurs origines juives. Autre caractéristique propre à tout chef duvre, ses personnages : des principaux cités aux plus insignifiants, tous sont mémorables, et rentrent parfaitement dans lambiance romantico-féérique dune ville magique (aidée par lemploi de milliers de figurants).
Au bout du compte, après une classique mise en bouche, ce spectacle de plus de trois heures est simplement beau, vivifiant et une question étonnante subsiste : où diable est passée la soixantaine dannées qui nous sépare de ce film, rendant de nombreux films des années quatre-vingt (ce nest quun exemple) plus démodés encore que celui-ci