« Polisse ». Avec deux « S ». Parce que Maïwenn ne voulait pas donner à son film le même titre qu’un autre Police, celui de Pialat, en 1985. Parce que surtout, la faute d’orthographe est le symbole de l’enfance, de l’innocence.
L’innocence, c’est ce que la Brigade de Protection des Mineurs tente, au jour le jour, de sauvegarder. Sauver ces enfants, victimes toujours trop faciles. Mais face à l’horreur quotidienne, celle des parents dépassés, irresponsables, voir pervers ; celle des mineures violées et de celles qui vendent leur dignité pour un téléphone ; celle des enfants exploités… comment font Fred, Nadine, Nora, Bamako, Balloo et les autres pour se préserver, pour rester debout, pour ne pas sombrer ?
Avec sa caméra très mobile, proche des corps et des visages, Maïwenn tente de répondre à cette question. Elle nous montre le quotidien de ces héros ordinaires, entre vies privées chaotiques et soirées en boîte pour décompresser, dépression, alcoolisme, fous rires improbables et horreur de tous les jours sans jamais sombrer dans les clichés ou le pathos, restant toujours à bonne distance de son sujet, de ses héros. Elle réalise là une œuvre plus proche du documentaire (ce qu’elle dit avoir visé) que de la fiction classique.
De vrais moments de grâce parsèment le film, comme la lumineuse histoire d’amour naissant entre Fred, l’écorché vif et Melissa, jeune photographe bobo (jouée par Maïwenn elle-même, qui, masochiste, se donne le mauvais rôle) venue faire un livre sur le quotidien de la Brigade. Portés par des acteurs magnifiques (parmi lesquels Joey Starr, acteur animal), ils sont une vraie respiration au sein de ce film parfois très dur (à l’image de la fin, en forme de claque, de coup de poing).
Polisse est un film humain, plein de vie et de chaleur, à l’image de ses héros, banals et magnifiques. Formidable.