Époustouflant. C’est le premier mot qui vient à l’esprit lorsque s’achève Polisse, œuvre d’une rare force, à mi-chemin entre le pur documentaire et la tragédie sociale. Dans ce film, Maïwenn met en scène, à partir de faits réels, le quotidien de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) de Paris. Le pari était risqué, tant le risque était grand de sombrer dans la caricature, le portrait à charge ou, au contraire, l’hagiographie. Or, avec une intelligence rare, la cinéaste évite tous les écueils.
Il faut souligner, d’abord, l’élégance de la mise en scène et la puissance de la progression dramatique. Le film parvient à faire monter la pression crescendo tout en alternant, dans un désordre subtilement organisé, les scènes d’interrogatoires les plus sordides avec des fragments de la vie personnelle de chacun des personnages. Tous les sentiments, dans Polisse, sont à l’état brut et passent directement du film au spectateur, sans filtre. Le style s’efface, et l’on sait que c’est dans ces cas-là que le cinéma frôle la perfection. Les lumières sont chaleureuses, tamisées, ou crues selon l’intensité de la scène ; la caméra, quant à elle, colle au plus près des personnages. De fait, à l’instar du personnage que la cinéaste incarne à l’écran, le film s’efface derrière son sujet et dévoile peu à peu son incroyable richesse. Le style, contenu tout le long du film par respect pour le sujet, n’explose que lors de la scène finale, virtuose. Une fois salué le talent de la cinéaste, il reste à mettre en avant, bien sûr, le talent des interprètes, masculins comme féminins : mentions spéciales à Joey Starr, impressionnant dans son rôle de flic « tordu » par la force de sa colère, et à Marina Foïs, impeccable en lieutenant féministe mal dans sa peau. Tous les autres sont justes.
Servi par des acteurs incroyables, le film de Maïwenn réussit le pari fou de rester collé aux faits les plus terribles tout en s’envolant vers la poésie la plus transparente, la plus évidente. Ce faisant, il nous parle des Hommes, avec une force et une verve dont beaucoup d'autres manquent cruellement aujourd'hui.