Je suis assez partagé en fait. Je crois que si j’avais vu "Forces spéciales" en temps et en heure, je l’aurai trouvé vraiment très bien. Mon problème est que je l’ai découvert bien après "Du sang et des larmes", pourtant sorti à date ultérieure. Si certains l’avaient alors apprécié (et il y a de quoi), il supporte assez mal la comparaison avec le film de Peter Berg, force est de le reconnaître. Mais en se replaçant dans le bon contexte temporel, moi non plus je ne comprends pas pourquoi la presse s’est autant acharnée sur le film de Stéphane Rybojad. Nous avons là un film de guerre français, ce qui est assez rare dans le cinéma tricolore. La première partie est très bonne, en présentant succinctement les protagonistes que nous allons être invités à suivre. D’abord le commando, ensuite la journaliste qui ne peut se résoudre à laisser son témoin aller à une mort certaine. Son entêtement est ce qui va donner le vrai point de départ de "Forces spéciales". En non spécialiste de l’armée, je suppose qu’il y a eu pas mal de missions de sauvetage menées. Certaines avec succès, d’autres pas. Mais ce qui me chagrine, c’est l’absence de débat quant à l’utilité de mettre en péril la vie de toute une unité pour la vie d’une seule personne qui connait les risques de son métier, surtout en terrain si hostile. D’autant plus que les préparatifs ont été résumés à leur plus simple expression. Pour ces aspects-là, la réalisation de Stéphane Rybojad aurait mérité 15 à 20 minutes de plus. En dépit de ces raccourcis malheureux, le scénario est résolument tourné vers l’action, et on va en avoir, tout en crédibilisant le propos, à commencer par l’hospitalité légendaire des afghans qui, et c’est reconnu, ne veulent pas du régime des Talibans mais font avec. Tout simplement par peur des représailles. Aucune animosité n’est montrée entre les villageois et le commando, pas plus que de vocabulaire raciste ou ne serait-ce que tendancieux. Le commando est là pour une mission, comme ils auraient pu la mener n’importe où dans le monde, y compris dans l’hexagone comme c’est montré dès l’entame du film. En revanche, revenir prêter main forte aux habitants de ce village alors en prise avec les extrémistes, j’avoue que ça me désarçonne car c’est risquer la bonne réussite de la mission. Impensable. Une mission est une mission. Sur une musique très éclectique signée Xavier Berthelot, les combats sont rondement menés, magnifiquement orchestrés, et rendent parfaitement compte du guêpier afghan comme l’a justement fait plus tard "Du sang et des larmes". Les talibans connaissent parfaitement le terrain, et parviennent à se déplacer plus rapidement que les ennemis, et une impitoyable course poursuite s’engage, résumant presque à elle seule le scénario. Les tenues et accessoires semblent très crédibles, des gants éraflés aux balles traçantes pour les tirs de nuit. Les techniques de combat paraissent maîtrisées, et c’est sans doute l’expérience du cinéaste en matière de reportages sur l’armée, et fait parler son savoir-faire esthétique acquis sur les documentaires destinés à "Envoyé spécial", ce qui a le don d’amener par moments une très belle photographie. Pour ce qui est du casting, très relevé avec des noms tels que Benoît Magimel, Djimon Hounsou, et Diane Kruger, l’interprétation honorable, sans être non plus exceptionnelle. Seul Raphaël Personnaz sort véritablement du lot en incarnant un tireur d’élite redoutable, tout en nous faisant bien sentir l’âpreté et la violence des combats, ainsi que l’urgence de la situation apportée par ces derniers. Denis Ménochet, Alain Figlarz et Marius apportent des gueules, tous dirigés par un charismatique Djimon Hounsou sur qui de superbes plans sont proposés. En parlant de plans, le spectateur se régalera devant la beauté des paysages, variés au possible, théâtre d’une romance qui n’a pas grand-chose à faire là. Donc me voilà entre le marteau (les internautes qui notent super bien Forces spéciales) et l’enclume (la presse qui assassine ce film) en donnant cette note de 3,5/5 pleinement assumée. Car selon moi, il manque ce petit supplément d'âme qui ferait que le spectateur éprouverait une totale empathie envers les héros, et qui ferait qu'il se ronge les sangs en attendant de savoir si ils vont s'en tirer ou pas. C'est là qu'échoue "Forces spéciales" face à "Du sang et des larmes" incroyablement immersif.