On aime trop ces films qui nous baladent dans les turpitudes du système bancaire, surtout quand il y a un héros charismatique comme Michaël Douglas (à part ça, je n'ai rien compris à Wall Street, comme je ne comprends rien aux films d'espionnage. Pas l'esprit assez tortueux faut croire.)
Ici c'est encore mieux car l'un des héros est mon acteur préféré, même quand on ne le voit pas disparaître dans la nuit en arrêtant de boiter, ouiiiiiiiii, c'est Kayzer Soze. Et dans Margin Call, on voit même Kevin Spacey pleurer dites donc! Pas sur la banque, je vous rassure, mais parce qu'il doit euthanasier son vieux chien cancéreux. Cela nous vaut une scène saisissante, quand Sam va, la nuit, enterrer clandestinement son chien dans le jardin de son ex-femme. Tout est dit, ces gens là, ils ont tout -pouvoir, argent- et ils n'ont rien. Pas un coin de terre, pas une oreille amie pour partager un chagrin. Ils ont tout, et ils n'ont rien.
Donc, ça va plutôt mal à la banque, sans que cela se sache trop, mais presque tout un service est liquidé. Eric (Stanley Tucci) accuse le choc, et il passe à l'un de ses collaborateurs, Peter (Zacchary Quinto, que ses terribles sourcils prédisposent au rôle de Landru....) une clé USB montrant les choses bien étranges sur lesquelles il était en train de travailler. Le responsable du service en question, Will (Paul Bettany) est informé et il comprend que les actifs pourris accumulés sont bien supérieurs au capital de la banque, qu'elle est complètement dans le rouge, et que tout ça va se terminer par une faillite. Un conseil d'administration est convoqué à 2 heures du matin, et voila, c'est toute l'histoire: la solution étant de trouver des gogos pour leur fourguer dans les heures qui viennent toutes ces créances dont il faut se débarasser, le film nous montre comment chacun réagit, sachant que le sauvetage de la banque peut être en même temps la cause de l'effondrement de tout le système bancaire.
Le président du conseil d'administration, John, c'est un magnifique Jeremy Irons, magnifique dans ce rôle de financier sans pitié, sans scrupules, sans états d'âme. Derrière lui, il y a Jared (Simon Baker), tout aussi manipulateur, tout aussi dépourvu de scrupules. Will est totalement sur la même ligne. Comment dépenser un million de $ par an? En restos, en putes, en remboursement de prêts immobiliers, en pensions alimentaires, tout ça part d'un vite! Et puis, on ajuste ses dépenses à ses rentrées, voilà tout. Parmi les petits jeunes, il y a Seth (Penn Badgley), qui rêve de faire, lui aussi, rapidement partie des seigneurs de la finance. Il y a une femme encore, Sarah (Demi Moore qu'on adore revoir ici dans un rôle correspondant à son âge, toujours aussi belle, et non en train de jouer les petites filles au bras d'un toy-boy). Sarah a fait passer plusieurs fois des notes pour alerter sur les dangers de la situation. Mais elle fait partie des points faibles. Elle sera de la prochaine charrette.
Celui qui coince, c'est Sam. Il a passé sa vie à faire proprement des choses sales, et il ne veut pas maintenant les faire salement. Il refuse de rentrer dans le jeu. Mais il est trop important. C'est lui qui dirige les traders. S'il ne s'engage pas dans l'opération, elle capote.
Je vous rassure, ils céderont tous. C'est une avalanche de gros chèques pour convaincre les récalcitrants.... Un par un, ils se rallieront à un plan totalement déloyal, parce qu'ils sont dans le système, parce qu'ils ne peuvent envisager de perdre leur situation, leurs privilèges, leur standing social.... ils seront tous achetés, même Eric, qui aimerait pourtant tellement se venger de la firme, mais qui a des enfants -et des emprunts.
Le film de J.C. Chandor est, paraît il, inspiré de la faillite de la banque Lehman Brothers, qui déclencha la crise financière. Il nous fait, en tous cas, passer deux heures délicieuses. Les acteurs sont parfaits, et leurs affrontements nous ravissent. En plus, quand on est contre la puissance néfaste du système bancaire, ça apporte de l'eau au moulin.... On boit du petit lait....