Pas mal, "Margin Call", même si ce film fait souvent le grand écart entre ses intentions et ce qu'il montre à l'écran. Pas facile, en effet, de vouloir représenter une activité où l'abstraction et le virtuel règnent en maîtres mais dont les retombées sont bien réelles, cruellement pour certains, agréablement pour d'autres. D'un côté, beaucoup de non-dits dans les dialogues entre les différents personnages, comme pour donner une aura mystérieuse voire quasi mystique au monde de la finance. De l'autre, une vulgarisation à outrance des mécanismes boursiers pour que les béotiens de spectateurs que nous sommes puissent entraver un minimum ce qui se passe devant leurs yeux (alors qu'il faut bien l'avouer, dans la réalité, tout le monde s'est retrouvé dans la merde mais personne n'a rien compris...). L'autre gros problème, c'est la caractérisation des personnages. Il faut dire que vouloir donner de l'empathie à des types considérés depuis 2008 comme l'incarnation ultime du Mal (après les terroristes islamistes, bien sûr...), c'était un gros défi. Au point de vue du look, c'est raté : les traders en costard façon "American Psycho" et Demi Moore avec les cheveux tirés et les expressions d'une maîtresse sado-maso, ça le fait moyen. Au niveau du scénario, c'est tellement gros et artificiel que c'en est presque à vomir : Sam (Kevin Spacey) qui pleure sur son chien malade, Eric (Stanley Tucci) qui se remémore son ancien "vrai" travail qui a compté dans la "vraie" vie, John (Jeremy Irons), le seul vrai salaud du film qui, en comparaison, fait passer tous les autres personnages pour de doux petits agneaux... Bon, cela dit, tous ces acteurs (auxquels il faut ajouter Zachary Quinto, également producteur, d'où sans doute son rôle de gentil idéaliste) sont excellents. Niveau réalisation, le premier film de J. C. Chandor s'apparente autant à du théâtre (bien) filmé (on pense au "Glengarry" de James Foley) qu'à un épisode (réussi) d'une (bonne) série TV actuellement en vogue, alternant intelligemment situations nerveuses et phases de décompression. Il faut donc savoir apprécier ce film pour ce qu'il est, une chronique réussie des 24 heures précédant une crise financière majeure, et ne pas trop s'attarder sur sa morale mollement défendue et un poil ambiguë, du genre on-est-des-fumiers-mais-faut-bien-qu'on-mange.