Avec son style visuel épuré, sa narration semi-implicite, et ses dialogues bourrés de jargon technico-technocratique, « THX 1138 » peut facilement rebuter son spectateur. Il serait néanmoins dommage de ne pas s'intéresser à ce premier long-métrage de George Lucas, ne serait-ce que pour y voir l'embryon de « Star Wars » (les robots inspireront les stormtroopers, plusieurs écrans de contrôle seront repris, le terme « wookie » est mentionné, important travail sur le sound design, etc.). En terme de ton, le film n'a absolument rien à voir avec la célèbre saga. De par les couleurs blanches éclatantes, les personnages sans émotion car drogués, et les plans assez originaux, l'atmosphère est oppressante. Le film pointe ainsi du doigt le totalitarisme et la technocratie, non pas en évoquant une dictature sordide, comme beaucoup d’autres œuvres le feront (on pense à « Equilibrium », qui s’en inspirera allègrement). Mais en dépeignant le fonctionnement d'une gigantesque fourmilière froide, déshumanisée et anxiogène, où les hommes sont éduqués, produisent, consomment, et obéissent par des procédures, des chiffres, des budgets, sans vraiment comprendre d'où tout cela vient. Une critique presque nihiliste, qui n’est pas aujourd’hui sans évoquer le fonctionnement de certaines grandes entreprises. Une volonté de produire à tout prix, « en toute sécurité », qui aboutit à une organisation soi-disant optimisée, ayant en réalité cloisonné et dilué les responsabilités et le sens du travail. Un jargon incompréhensible pour qui débarque dans cet univers. Des réunions où l’on parle plutôt que l’on agit. Bref, les salariés de groupes du CAC40 devraient bien s’amuser en regardant « THX 1138 » ! La faiblesse de l’œuvre réside dans son intrigue, qui s’avère assez simple, et s’efface clairement devant l’univers et les idées du film. Même si Robert Duvall et Donald Pleasence sont tout à fait convaincants, ils participent surtout à une ambiance plutôt qu’à une histoire. Ceux qui y recherchent une odyssée de SF seront donc déçus, soyez avertis ! « THX 1138 » n’en demeure pas moins un film fort, qui prouve qu'avant de réaliser sa célèbre saga, Lucas était parfaitement ancré dans le Nouvel Hollywood.