Que dire ? George Lucas fait partie des plus grandes figures du show-business. Créateur des sagas Star Wars et Indiana Jones, producteur aisé de nombreuses superproductions, fondateur de sa propre société, c'est indéniable, Lucas traîne davantage l'image d'un homme d'affaire que celle d'un réalisateur. Emblème d'une partie des plus grosses franchises du cinéma, il a pourtant débuté sa carrière avec ce THX 1138, portrait d'une société futuriste régie par le totalitarisme, tout droit inspirée des plus grands romans d'anticipation qu'il est inutile d'énumérer. Un premier film commandé par Francis Ford Coppola, admiratif de Lucas pour son court-métrage Electronic Labyrinth THX 1138 4EB, dont il est la source.
Un gouffre réside donc entre le Lucas actuel et celui d'il y a quarante ans. Jeune réalisateur à l'époque, Lucas avait déjà ce penchant pour la science-fiction. A l'instar d'un univers complet, précurseur du space-opéra, il opte pour l'anticipation et le régime totalitaire avec notamment un décor blanc et monochrome, principal atout du film. En effet, il réside en ce vide visuel et émotionnel une richesse avant-gardiste saisissante. Lucas instaure en son film une ambiance des plus obsédantes et psychédéliques. Le caractère aseptisé de cette société future la rend d'autant plus oppressante, parfois alimentée par des airs électroniques intemporels, parfois dénuée de toute musique, accentuant ainsi avec entrain l'horreur humaine omniprésente et perpétuelle. Lucas ne mise pas sur le sensationnalisme, bien au contraire, il fait appel à la contemplation de décors réels spécifiquement choisis pour son film. Ainsi, tunnels autoroutiers, parkings souterrains, escaliers roulants servent à merveille le contexte, ce qui fait de THX 1138 une dystopie à la splendeur visuelle saisissante dotée d'un réalisme à couper le souffle.
Malgré toute l'entrave humaine et émotionnelle qu'impose le système, Lucas parvient à en faire ressortir toute la mélancolie de ses habitants. Cette ambiance stationnaire et ces cardages fixes laissent ainsi une véritable liberté aux acteurs. Les prestations de Robert Duvall et de Maggie McOmie font preuve d'une sobriété et d'une justesse saisissantes. Ils sont la parfaite incarnation de la révolte, au beau milieu de cette cité souterraine, elle-même allégorie des enfers. Il règne au sein de cette société un climat étouffant, l'asphyxie que procure ce sentiment d'enfermement mais, paradoxalement, cette crainte de l'extérieur inconnu. L'humanité vit bel et bien dans une atmosphère de souffrance, une civilisation aseptisée disposant d'une force de renseignement et de répression terrible où tout est surveillé au détail près dans le but d'éliminer toute pensée nuisible au système. Lucas développe à merveille la psychologie de ses personnages notamment grâce à son travail d'acharné pour représenter à l'écran et de manière si juste, cette dramatique contre-utopie.
Malgré son faible succès à sa sortie, THX 1138 est à juste titre considéré comme un véritable chef d'oeuvre de la science fiction, surtout lorsque la comparaison se fait avec d'autre piliers du genre tels que 2001 : L'Odyssée de l'espace, Blade Runner, Rencontres du troisième type ou encore Soleil Vert, des films bien plus conséquents en terme de budget. THX 1138 mérite donc largement ces éloges d'autant qu'il est l'un des rares à avoir conservé toute son actualité. Sa cohérence absolue et son caractère intemporel procurent angoisse et frissons, une telle perfection visuelle a de quoi ravir tout amateur du genre. THX 1138 est à mes yeux une des plus grandes expériences vécues en matière de science fiction, qui a été un déclic décisif dans ma découverte et ma passion pour le genre. Un film que je suis fier de louanger à travers cette critique qui, je l'espère, reflète tout l'amour que j'éprouve pour cette merveille expérimentale de l'anticipation.